Hôtellerie

Un plan social 4 étoiles pour le Fairmont

Le Fairmont fermera ses portes durant plusieurs mois pour rénovation. Retour sur la négociation du plan social avec Tania, élue du personnel.

Résultat ● Le Fairmont Grand Hotel Geneva fermera le 20 décembre pour rénovation. À l’issue de trois mois de négociations entre la direction et la représentation élue du personnel, assistée par le SIT, un plan social a été conclu. Soutenu en votation par 93 % du personnel licencié, ce plan social prévoit des indemnités versées en vertu de l’âge et de l’ancienneté allant d’un minimum de 3 mois à un maximum de 17 mois de salaire. De plus, un salaire minimum plancher servira de référence pour le calcul des indemnités, mesure qui profitera à près de deux-tiers des employé-e-s touchant les plus bas salaires. Élue à la représentation du personnel et membre du SIT, Tania Pragana Augusto répond à nos questions.

Comment t’es-tu retrouvée à négocier ce plan social ?
Mes collègues m’ont poussé à me présenter à l’élection de la représentation du personnel. Comme je suis comptable, j’ai pensé que certaines de mes compétences pourraient être utiles.

Lesquelles ?
Dans ce type de négociations, pour avancer des propositions sérieuses, la maîtrise de l’information est importante. Sur la base d’un questionnaire du syndicat rempli par la majorité du personnel, mes connaissances en Excel m’ont permis de créer une base de données précise. Nous avons ainsi pu évaluer précisément les coûts de nos propositions et les impacts de tel ou tel ajustement proposé par la direction ou par la représentation du personnel.

Comment as-tu vécu la négociation ?
Humainement, ça a été une période difficile, nos collègues comptaient sur nous et nos décisions impactaient forcément telle ou telle catégorie d’employé-e-s. Au sein de la représentation, il a fallu s’entendre à huit sur les orientations du plan avec des sensibilités parfois différentes. Heureusement, le syndicat a été présent tout au long de la négociation, nous a conseillé sur les aspects légaux et stratégiques puis nous a assisté dans la négociation. Sans le SIT, nous ne serions pas arrivés à ce résultat.

Quel est selon toi le point fort du plan ?
Il y a eu deux grandes améliorations. Tout d’abord, le salaire plancher permet à deux-tiers des employé-e-s avec les salaires les plus faibles de voir leurs indemnités augmenter. Ça fait la différence pour des personnes payées au salaire minimum. Obtenir un salaire plancher pour ces personnes, c’est une manière de souligner la valeur de leur travail, indispensable dans les hôtels.
Ensuite, il y a la question de l’âge. C’était important d’améliorer les indemnités d’ancienneté et d’âge. Au-delà de 55 ans, c’est un combat de trouver un emploi dans l’hôtellerie. Le nombre d’employeurs recherchant des profils de personnes ayant plus de 55 ans est faible et, à cet âge-là, les personnes souvent cassées par des métiers pénibles. La négociation aura permis d’améliorer l’indemnité des plus de 55 ans, voire de la doubler dans certaines situations.

Son point faible ?
S’il y avait un point à améliorer, ce serait d’inclure les CDD. Même si j’ai compris durant la négociation que cela n’était légalement pas obligatoire, j’aurais vraiment aimé qu’il puisse y avoir au moins une indemnité forfaitaire pour cette catégorie d’employé-e-s. Mais nous n’y sommes malheureusement pas parvenu-e-s.

Globalement, tu es satisfaite du résultat ?
Très satisfaite. Personnellement, mon indemnité de licenciement n’a presque pas évolué mais dans la globalité, par rapport au projet de la direction, le plan est amélioré pour la quasi-totalité du personnel ou reste inchangé dans quelques très rares cas. C’est une grande victoire.

Au final, comment ressors-tu de cette expérience ?
Je suis entrée dans la négociation avec mes sensibilités. Ma mère est venue du Portugal à deux reprises pour chercher du travail à Genève. Elle a été serveuse et femme de ménage et j’ai vu à quel point elle a trimé pour mon frère et moi, avec de bas revenus. Au sortir des négociations, je suis fière que le plan social comprenne une mesure forte pour les bas salaires. Je suis également désormais convaincue qu’en s’investissant collectivement, on peut obtenir des victoires.

Propos recueillis par Julien Repond