établissements médico-sociaux

Quand un Conseil de fondation fait l’autruche

Mis en cause par un rapport accablant sur le climat de travail, l’EMS Foyer Béthel en conteste la méthode et tire la prise du dialogue social.

Management toxique ● Faire l’autruche, tirer sur l’ambulance, tuer le messager, les expressions pour qualifier l’action du Conseil de fondation du Foyer Béthel ne manquent pas. En effet, alors que des membres du personnel de cet EMS genevois ont témoigné, devant plusieurs instances, de graves dysfonctionnements de management, le Conseil de fondation se sépare de tous les acteurs impliqués dans le diagnostic accablant porté sur le climat de travail. Récit édifiant.

Alerte syndicale

Dès novembre 2023, les syndicats SIT et SSP informent le Conseil de fondation du Foyer Béthel de graves problèmes que rencontrent des employé-e-s. Ce personnel témoigne d’un climat de travail malveillant, d’un management dysfonctionnel et de la peur de s’exprimer par craintes d’être humilié-e, voire licencié-e. Il dénonce des comportements inappropriés de la part de la direction tels que : contrôle excessif, dénigrement, forte pression exercée lors d’arrêt maladie, non-respect de la confidentialité, attitudes antisyndicales.
Le Conseil de fondation et les syndicats conviennent alors de faire appel à des personnes externes pour objectiver les problèmes structurels rapportés dans les témoignages du personnel et traiter les situations individuelles d’atteintes à la personnalité.

Une étude éprouvée en Suisse

Un professeur d’une Haute Ecole de Santé est mandaté pour mener une étude, afin d’objectiver les problèmes du personnel. C’est une étude nationale réalisée dans le secteur de la santé qui est sélectionnée. Intitulée « STRAIN », elle vise à recenser les facteurs de stress sur le lieu de travail et à identifier leurs effets sur la santé des professionnel-le-s. Plus de 8 000 professionnel-le-s de la santé, dont 3 8oo employé-e-s d’EMS, l’ont rempli. En effet, le questionnaire a été utilisé dans plus de 160 organisations de santé, dont plus de 85 EMS.

Résultats accablants

A l’EMS Béthel, non seulement le taux de participation au questionnaire est très élevé, environ 80 %, mais les résultats ne laissent aucun doute. En comparaison des autres professionnel-le-s de la santé en Suisse, les employé-e-s de cet EMS témoignent de problèmes de leadership, ainsi que d’exigences émotionnelles et physiques supérieures à la moyenne. La satisfaction au travail est jugée plus basse que la moyenne. Le personnel de cet EMS se situe parmi les 5 % des professionnel-le-s qui souffrent le plus du leadership et des exigences au travail.
En mai, le professeur organise des séances de présentations et d’échanges autour des résultats de l’étude. Des groupes de travail sont ensuite mis sur pied afin de trouver des solutions aux problèmes identifiés par le personnel lors de ce processus. En parallèle de l’intervention du professeur, une avocate reçoit des employé-e-s témoignant d’atteintes à la personnalité et de dysfonctionnement managérial important.

Tuer le messager

En juin, le Conseil de fondation rompt le partenariat social. Il décide, sans consulter les syndicats, de cesser de travailler avec le professeur et l’avocate ! Les messages auraient-ils dérangé au point de devoir renvoyer tous les messagers ? Le Conseil de fondation se justifie en évoquant de soi-disant problèmes méthodologiques de l’étude. Durant l’été, il mandate deux « coachs » pour mener une nouvelle étude, ce qui provoque la colère de beaucoup d’employé-e-s.
L’OCIRT a été saisie en parallèle. Cet automne, la presse relaye ce conflit social. Pendant que l’employeur manque à son devoir de protection, les atteintes à la personnalité continuent, les arrêts maladie dûs aux conditions de travail également. Les nombreux départs, y compris celui de la médecin répondante, représentent des signes inquiétants que le Conseil de fondation continue d’ignorer. Comment garantir la qualité des prestations dans ces conditions ?
Si le Conseil de fondation pense avoir résolu le problème en tuant
le messager, il se trompe lourdement…

Clara Barrelet