Commerce de détail

Personnel sacrifié sur l’autel du chiffre d’affaires

Avec une légèreté consternante, le Tribunal fédéral a permis l’ouverture des magasins le dimanche 22 décembre.

LHOM ● Le dimanche 22 décembre 2024, les commerces ont au final pu ouvrir, malgré le jugement du 28 novembre de la Cour de justice genevoise qui interdisait aux commerces genevois d’employer du personnel le dimanche 22 décembre sans autorisation spécifique (lire SITinfo n°7 décembre 2024). Comment est-ce possible ? Parce que le Tribunal fédéral, auprès duquel les organisations patronales avaient déposé un recours, a décidé le 17 décembre d’accorder un effet suspensif à ce jugement, l’empêchant d’entrer en vigueur. Une décision incompréhensible, qui a de facto autorisé les commerces à violer la loi et à piétiner la volonté populaire.

Question de fond pas tranchée

Car dans son ordonnance du 17 décembre, le Tribunal fédéral ne s’est prononcé d’aucune manière sur le fond du jugement genevois. Autrement dit, il ne dit pas si le jugement de la Cour de justice genevoise est conforme à loi ou pas, mais se contente de faire une pesée d’intérêts sur le fait qu’il soit immédiatement applicable ou pas.
En l’occurrence, le Tribunal fédéral qualifie d’intérêt « public » celui des commerces à augmenter leur chiffre d’affaires, qu’il oppose à celui de la protection des travailleurs-euses, qui pèse visiblement moins à ses yeux.

Pesée d’intérêts consternante

Ce déséquilibre manifeste entre l’intérêt des entreprises et celui des travailleurs-euses est déjà choquant en soi, mais l’est d’autant plus qu’elle ne tient absolument pas compte d’autres dispositions de la Loi sur le travail, dont l’obligation d’établir les plannings de travail deux semaines à l’avance. De plus, si la réalité du caractère prétendument « volontaire » du travail du dimanche était déjà soumise à caution, elle l’était d’autant plus à cinq jours seulement de la date fatidique.
Par ailleurs, les arguments avancés par le Tribunal fédéral sont particulièrement spécieux et lapidaires : il reprend sans sourciller le mantra patronal de la « concurrence du commerce transfrontaliers », alors que celui-ci résulte bien plus des prix pratiqués que des horaires d’ouvertures, que la population ne va pas plus manger (et donc consommer dans le commerce alimentaire) selon que les magasins soient ouverts ou non, et que la concurrence du commerce en ligne ne se résoudra pas à coup d’horaires élargis.
De plus, invoquer, comme le fait l’OCIRT dans cette procédure, que les commerces s’étaient préparés à cette ouverture, est non seulement faux, mais également particulièrement discutable de la part d’un organe public censé veiller à la protection des travailleuses et des travailleurs, car cela revient à admettre une violation de la loi par les entreprises au prétexte qu’elles s’étaient préparées à le faire.

LHOM et volonté populaire ignorées

Enfin, en faisant cette pesée d’intérêt entre l’intérêt économique des commerçants et celui des travailleurs-euses, le Tribunal fédéral a perdu de vue l’existence de la LHOM, et la volonté populaire qui l’a consacrée. En accordant l’effet suspensif à la décision de la Cour de justice genevoise sans se prononcer d’aucune manière sur le fond, le Tribunal fédéral prend le risque de devoir déclarer a posteriori que cette ouverture dominicale était illégale, une fois l’infraction commise.
Les syndicats restent confiants sur ce jugement sur le fond à venir, et restent dans l’intervalle extrêmement vigilants quant à l’application du cadre légal dans son ensemble, notamment sur la question du consentement individuel des travailleurs-euses, et sur celle de la compensation salariale légale obligatoire, à savoir le doublement du salaire pour cette journée de travail le dimanche 22 décembre.

Communiqué de la CGAS du 17 décembre, adaptation SITinfo

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