Initiative UDC ● Alors que la police est secouée par un certain nombre de scandales et de dérives graves dans différents cantons, les partis d’extrême droite soutiennent une initiative inacceptable qui consacre une forme d’impunité pour la police : elle demande que l’immunité des policiers-ères ne puisse être levée que par le Grand Conseil, de manière à les protéger face aux poursuites pénales dans le cadre de leurs fonctions (comme en cas d’arrestation), et introduit l’obligation d’obtenir l’accord du commandant de police dans le cadre de la convocation d’un-e policier-ère, qui pourra donc s’y opposer. Une initiative antidémocratique et dangereuse, qu’il faut catégoriquement refuser.
Constats inquiétants
Le Centre suisse de compétence pour les droits humains a constaté, dans son rapport de 2022, très peu de progrès en matière de pratiques policières, et nombre de ses recommandations « sont restées pratiquement lettre morte » : enquêtes indépendantes en cas d’usage disproportionné de la force, diversité accrue des corps de police, instauration d’une attitude constructive face aux erreurs au sein des unités, obligation du port du matricule, amélioration de la formation (initiale et continue) en matière de comportement non discriminatoire, de communication interculturelle, de prévention de la violence et de rapports avec les personnes vulnérables. Le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe a également rendu en 2024 un rapport inquiétant sur les mauvais traitements et l’usage excessif de la force lors d’arrestations, tels que morsures de chiens, coups de matraque, de tête, de poing et de pied sur différentes parties du corps, plaquages violents au sol, écrasements de la tête avec le pied et pressions exercées avec le genou sur la nuque, serrage excessif de menottes, insultes, y compris à caractère xénophobe et raciste, et menaces, et en particulier à Genève.
Contrôle indispensable
Le SIT fait partie du Cartel intersyndical de la fonction publique au côté des organisations syndicales de la police. Il respecte ces collègues dans leur travail et leurs droits, au même titre que les autres fonctions et corps professionnels, mais il ne peut admettre aucune forme d’impunité pour cet exercice. Certes, les tâches de police ne sont pas simples, mais ce ne sont pas les seules, et leur complexité ne justifient en rien une immunité. Bien au contraire, lorsqu’on détient le monopole de l’usage légal de la violence, et donc un pouvoir exorbitant, y compris de vie ou de mort, on a un devoir accru face aux risques, et l’obligation sociale de contrôle est indispensable. Et le SIT, qui fait partie de la Coordination genevoise pour le droit de manifester, qui défend à longueur d’année les travailleuses et travailleurs sans statut légal, et qui subit de plus en plus fréquemment des tentatives patronales de criminalisation de l’action syndicale, en sait quelque chose.
Antifascisme
Cette initiative n’est soutenue que par l’extrême-droite (UDC et MCG) et ce n’est pas un hasard : l’Histoire montre que ce sont les régimes fascistes qui se sont appuyés sur le pouvoir renforcé et sans contrôle de la police.
C’est la résistance à ce projet politique autoritaire et antidémocratique qui donne du sens à la commémoration, année après année, du 9 novembre 1932, où police et armée se sont alliées pour réprimer violemment une manifestation de travailleurs-euses. Car malheureusement, comme l’écrivait Berthold Brecht en 1941 dans sa version traduite, « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».
Jean-Luc Ferrière