Procédure de consultation ● Tous les Cantons y sont opposés, sauf un : celui d’Obwald, d’où est originaire le conseiller national Erich Ettlin, auteur de la motion prévoyant de faire primer les salaires de CCT étendues sur les salaires minimaux cantonaux. Cette opposition quasi unanime des Cantons est l’un des résultats de la procédure de consultation menée par le Conseil fédéral suite à l’adoption de cette motion par une très courte majorité des Chambres fédérales il y a deux ans. Cette motion pose tellement de problèmes que même l’Union des associations patronales genevoises (UAPG) et le Centre patronal vaudois y sont opposés, c’est dire ! Le Conseil fédéral, pas plus convaincu, recommande ainsi aux Chambres fédérales d’enterrer la proposition.
Atteintes au fédéralisme et à la volonté populaire
Car au-delà des discours lénifiants sur le partenariat social que la droite et le patronat continuent à répéter comme un mantra, tant les Cantons que le Conseil fédéral, l’UAPG, le Centre patronal, la majorité des partis qui se sont exprimés, UDC incluse, pointent la non-conformité du contenu de cette motion avec l’ordre juridique suisse, la compétence cantonale en matière de politique sociale, et le respect de la volonté populaire, puisque tous les salaires minimaux introduits dans les cantons l’ont été par la volonté populaire.
Sur ce dernier aspect, notons au passage l’extrême mauvaise foi de la Fédération des entreprises romandes, qui prétend fallacieusement que les citoyen-ne-s n’auraient pas eu l’occasion de se prononcer sur la possibilité de déroger au salaire minimum par le biais de CCT. Car bien au contraire, l’initiative des syndicats précisait de manière explicite et limpide, en son article 39L, que « si le salaire prévu par un contrat individuel, une convention collective ou un contrat-type est inférieur [au salaire minimum cantonal], c’est ce dernier qui s’applique », et cette question a largement été thématisée et débattue, y compris par le patronat, durant la campagne.
Prêt-e-s au référendum
Notons enfin que le Centre, parti du fameux Erich Ettin, a été moins magnanime avec lui que son canton d’origine, puisqu’il s’est abstenu de répondre à la consultation. La démonstration du malaise qu’Ettlin et sa proposition provoque au sein de son propre parti. Car ce n’est un secret pour personne : si Erich Ettlin a déposé cette motion, c’est avant tout parce que GastroSuisse, l’organisation patronale faîtière du secteur de l’hôtellerie-restauration, est venu le chercher, et a peut-être même tenu la plume de cette proposition contraire à l’ordre juridique suisse.
La balle est donc maintenant à nouveau dans le camp des Chambres fédérales, dont la majorité de droite doit désormais arrêter de jouer aux apprentis-sorciers dans son combat d’arrière-garde contre les salaires minimaux adoptés par divers cantons. Et c’est au Conseil des États, chambre censée représenter les Cantons, à qui revient prioritairement la responsabilité d’enterrer la mise en œuvre de cette motion, conformément au positionnement de la quasi-unanimité des Cantons. Mauro Poggia, qui y siège aux côtés de Carlo Sommaruga, serait bien inspiré de mettre ses convictions personnelles et celles de son parti de côté, pour se souvenir, au moment du vote, qui il est censé représenter dans cette instance.
Quant aux conseillers-ères nationaux-ales genevois-es UDC, parti qui se prétend chantre de la démocratie directe et du fédéralisme, on verra bien si ces principes sont intangibles ou s’ils-elles sont prêt-e-s à trahir le vote de 58% de la population genevoise.
Et s’il le faut, nous serons quant à nous prêt-e-s au référendum, pour empêcher que certaines CCT nationales ne deviennent des instruments de sous-enchère sur le dos des travailleuses et des travailleurs les plus précaires.
Davide De Filippo