Faillites ● Si Genève a sa « colline aux pirates », elle a aussi sa caverne aux 40 voleurs, opérant en toute impunité dans le secteur de la construction (mais sans doute ailleurs aussi, notamment dans la restauration). Ce sont en effet une nouvelle fois une dizaine de travailleurs, cette-fois ci de l’entreprise LMS Bâtiment Sàrl, qui sont venus alerter le syndicat de leur situation scandaleuse : salaires de sous-enchère, charges sociales détournées, clients escroqués. Et ce pour des centaines de milliers de francs. Avec en sous-main un escroc notoire, bien connu du SIT, qui exploite tout l’espace du sale jeu que laisse ouvert l’inaction des autorités.
Administrateur sous enquête
Petit retour en arrière. Le 6 juillet 2018, les syndicats de la construction adressaient une dénonciation pénale au Ministère public genevois contre Luis Miguel Cristina De Oliveira pour infractions aux assurances sociales et à la LTN, gestion déloyale, escroquerie et faillites frauduleuses au préjudice de nombreux travailleurs non-payés et de la collectivité. Depuis, silence radio. Jusqu’au 14 février 2025, date à laquelle le Ministère public du canton de Vaud, informa les syndicats de sa décision de reprendre l’instruction du dossier suite à l’arrestation de De Oliveira deux jours auparavant, après une longue disparition des radars.
Qui continue de sévir
En parallèle et tout à fait fortuitement, le SIT a appris que cet escroc invétéré n’avait jamais cessé ses activités frauduleuses dans la construction. N’apparaissant désormais dans aucun conseil d’administration ni au registre du commerce, il travaillait en sous-main pour le compte d’entreprises telle que LMS Bâtiment Sàrl, tout récemment constituée. D’après nos informations, les pratiques frauduleuses de son administrateur formel, Monsieur Shabi Fazliu, ne tombent pas du ciel : ce serait bien ce même Luis Miguel Cristina De Oliviera qui tirait les ficelles en sous-main, à coup de « conseils » avisés.
Comble de l’ironie, cette entreprise, dirigée par un fantôme, a réussi à décrocher des contrats de sous-traitance avec d’importantes entreprises de la place, telle que Induni SA. Alors deux questions s’imposent, où sont passés les millions détournés par De Oliveira et à qui profite le crime ?
L’heure du réveil a sonné !
Depuis plus de 20 ans, les syndicats de la construction, notamment le SIT, jouent un rôle majeur dans la lutte contre les fraudes. Forts de leur expérience sur le terrain, ils alertent, proposent, dénoncent, prennent aussi des risques contre des véritables mafieux qui n’hésitent plus à user de menaces contre leurs représentants et les travailleurs victimes de leurs pratiques. Malheureusement, ils prêchent toujours dans le désert.
Il y a maintenant plus d’un an, les syndicats ont adressé au Département de l’économie de l’emploi 14 propositions concrètes visant à lutter contre ces fraudes systémiques, et demandant la constitution d’un groupe de travail tripartite afin de les examiner. Depuis, le Département et l’UAPG se renvoient la balle pour savoir qui doit discuter avant qui des revendications des syndicats, tandis que les cas de faillites frauduleuses, de sous-traitances abusives, et de travail au noir massif des entreprises prennent l’ascenseur.
Mais soyons clairs : la situation sur les chantiers genevois a atteint un paroxysme et nous ne sommes pas à l’abri de drames. Aussi, afin d’éviter d’en arriver là, le SIT va interpeller une nouvelle fois Madame Delphine Bachmann afin qu’elle se saisisse du dossier et mette enfin les partenaires sociaux autour d’une table pour discuter de nos revendications et convenir des mesures autrement plus importantes et efficaces qu’une simple charte pour mettre fin à ce modèle d’affaire mafieux. Il en va de l’intérêt public.
Thierry Horner