Ces derniers jours, plusieurs entreprises de la construction ont transmis à leurs employés un courrier au sujet des journées de mobilisation des 3 et 4 novembre prochains. Tous s’inspirent d’un courrier élaboré par la société suisse des entrepreneurs (SSE) – section Genève – dans le but évident de décrédibiliser le mouvement de lutte légitime des maçons.
Inexactitudes dans les faits, mépris du personnel présenté comme « privilégié », atteintes à la liberté syndicale, menaces à peine voilée de licenciement… La méthode, bien maitrisée, est régulièrement utilisée par la SSE pour diviser les travailleurs et les faire taire. Ce procédé est inacceptable et nous devons le déconstruire en apportant quelques précisions.
Fake news n° 1 : séance de négociations prévue le 7 novembre
La SSE-Genève annonce au personnel qu’une séance de négociations sur le plan national se tiendra le 7 novembre. C’est faux, aucune séance de négociations n’est prévue et la SSE a refusé de prolonger les négociations au-delà du 28 octobre.
Fake news n°2 : «… il est important de rappeler notre attachement au partenariat social et [nous] regrettons qu’un appel à la grève avant l’issue des négociations ait été lancé par les syndicats genevois. »
La SSE-Genève sait pertinemment que l’appel à la grève provient d’un mouvement collectif incluant plusieurs cantons. Et pour ce qui est du respect du partenariat social, celle-ci a balayé d’un revers de main la demande d’ouverture de négociations sur le plan local le 23 juin 2025, portant sur des thèmes particulièrement importants. Notamment une réglementation plus contraignante pour le travail du samedi, la valorisation de la formation des apprenti-e-s en cette période de manque de main d’œuvre qualifiée et un encadrement plus strict de la sous-traitance sauvage, qui gangrène le secteur depuis plusieurs années !
Fake news n°3 : les collaborateurs genevois resteraient les mieux lotis de Suisse avec une pause matinale payée et une indemnité journalière de CHF 25.- « offertes »
Mais de qui se moquent les patrons ?! Rien n’a été offert aux maçons : c’est grâce à leur mobilisation qu’ils ont obtenu une compensation d’acquis que le patronat genevois voulait supprimer. Pour la petite histoire, ces acquis ont été obtenu il y a 16 ans déjà, le 1er octobre 2009 ! Et sérieusement, peut-on parler de privilège lorsqu’on bénéfice d’une pause payée de 15mn dans des métiers aussi pénibles que ceux de la construction ?
Fake news n°4 : le temps de travail reste le même !
Encore faux. Si le temps de 2112 heures reste effectivement le même, la disparition des calendriers et des horaires de travail change tout. Couplée à une augmentation de la flexibilité à 250 heures supplémentaires et 150 heures en moins (c’est-à-dire pouvant être reportées sur l’année suivante), elle donnera la possibilité aux employeurs de faire travailler régulièrement leur personnel pendant plus de 50 heures par semaine.
Fake news n°5 : la SSE ne veut pas de diminution de salaire !
« Il est important de faciliter l’entrée dans la vie professionnelle des personnes ayant achevé un apprentissage, c’est pourquoi il doit être possible de descendre en dessous du salaire minimum pendant 5 ans ». Cet extrait d’un autre document produit par la SSE se passe de tout commentaire.
Menace & entrave à la liberté syndicale
« … soyez conscients que mener une grève de deux jours à Genève n’est pas une action anodine, car elle pourrait mettre en péril vos acquis en fonction de la manière avec laquelle elle se déroule et donne une image peu valorisante de nos métiers aux jeunes qui souhaiteraient s’engager dans la profession… Nous invitons ceux qui souhaiteraient néanmoins faire la grève à s’annoncer à l’avance. »
Pour le SIT, tout est résumé dans ces trois injonctions. On menace, on culpabilise et on contrôle le personnel qui oserait se mobiliser pour défendre ses conditions de travail qui figurent parmi les plus pénibles. Mais les travailleurs de la construction ne sont pas des imbéciles. Ils ne se laisseront pas intimider et rappellent au patronat qu’ils ont participé massivement et dans un temps record à une large consultation sur les chantiers pendant le mois de septembre, où près de 2000 d’entre eux ont voté 2 jours de grève, en parfaite connaissance de cause. Ils répondront donc massivement présents, animés de tout l’esprit de solidarité qui les caractérise, les 3 et 4 novembre prochain.
Aux représentants de la SSE-Genève qui concluent leur courrier par un slogan que ne renieraient pas les syndicats – « les entrepreneurs genevois se battront pour conserver vos acquis et valoriser le travail que vous accomplissez chaque jour » – (on croit rêver !), les maçons demandent quel est leur avis sur le communiqué de presse de la SSE-Centrale du 3 octobre 2025 intitulé « Travail temporaire : une opportunité pour la main d’œuvre et les entreprises »? Car comment la SSE peut-elle d’un côté défendre la limitation du travail temporaire dans les marchés publics, et d’un autre louer « les vertus » de cette forme de travail particulièrement précaire ? Les mille travailleurs de la construction occupés comme temporaires à Genève par des entreprises de la SSE, soit 1/5 des effectifs, se réjouissent d’entendre sa réponse.