Salaire minimum légal

En été, fais-toi exploiter ?

En déposant un projet de loi sur les « jobs d’été », le PLR s’attaque au salaire des étudiant-e-s. Avec la complicité du patronat. Référendum en vue.

Précarité étudiante ● En avril, ne te découvre pas d’un fil, en mai, fais ce qu’il te plaît, en juin, passe tes examens, et en été, fais-toi exploiter ! Voilà la nouvelle trouvaille du PLR pour grignoter le salaire minimum légal durement conquis par les travailleuses et travailleurs genevois : introduire dans la loi une exception à son application pour les étudiant-e-s employé-e-s entre le 15 juin et le 15 septembre. Après quelques mois de discussions tripartites demeurées infructueuses en raison de l’intransigeance patronale, la commission de l’économie du Grand Conseil a repris ses travaux, tandis que les syndicats se préparent donc au référendum.

Sous-enchère estivale

N’ayant toujours pas digéré la cuisante et historique défaite patronale du 27 septembre 2020 (acceptation de l’initiative syndicale « 23 frs, c’est le minimum » par 58 % de la population), et tandis qu’il œuvre à Berne pour le remettre en cause (lire ci-après), le parti des patrons poursuit sa guérilla d’arrière-garde contre le salaire minimum légal, au prétexte que les « jobs d’été » auraient disparu par sa faute, ce qui empêcherait les étudiant-e-s de se frotter au monde du travail durant leurs études.
Or, non seulement ni le PLR ni les patrons ni personne n’est en mesure de démontrer cette prétendue disparition de ces emplois à durée déterminée durant l’été, mais on peine à comprendre pourquoi une sous-enchère salariale interdite durant toute l’année deviendrait soudainement autorisée au seul motif que c’est… l’été.

Besoin des entreprises ou des étudiant-e-s ?

Car de deux choses l’une, soit ces emplois répondent à un besoin des entreprises, auquel cas il n’y a aucune raison de déroger au salaire minimum légal, soit les entreprises n’en ont pas réellement besoin, auquel cas rien ne les empêche de continuer à les proposer à des étudiant-e-s, quitte à le faire à temps partiel si vraiment le montant de 4773,60 frs (pour 40h/sem) est à ce point impraticable. Le coût pour l’entreprise resterait ainsi très bas, tout en atteignant l’objectif louable d’offrir aux jeunes une expérience professionnelle.

Garde-fous insuffisants

Bien qu’opposée sur le principe, la CGAS, moins dogmatique que certains patrons, a néanmoins accepté d’ouvrir des négociations tripartites pour faire un deuxième pas en ce sens, après avoir déjà concédé une exception dans les secteurs soumis à une convention collective de travail. Pour la CGAS, étendre cette possibilité à tous les secteurs, comme le veut le PLR, n’aurait pu être réalisable qu’à condition de disposer de garde-fous analogues aux conventions collectives : définir la nature auxiliaire ou non essentielle pour les entreprises de ces « jobs », en convenir un salaire, et mettre en place une obligation d’annonce aux autorités permettant de les contrôler et d’éviter ainsi les abus. Or, sur ces deux derniers points, les patrons n’ont lâché que des miettes insuffisantes pour faire avaler la couleuvre.
Les négociations ont donc échoué, et les syndicats se préparent donc à livrer bataille référendaire si la majorité de droite devait persister à aller de l’avant sur le projet du PLR.

Salaire minimum menacé aussi depuis Berne

La commission de l’économie et des redevances du Conseil national a accepté le projet de mise en œuvre de la motion Ettlin, qui prévoit de faire primer les CCT nationales sur les salaires minimaux cantonaux, au mépris de la volonté populaire des cantons qui ont accepté le salaire minimum légal, et piétinant la compétence cantonale de légiférer en matière sociale. C’est d’ailleurs pour ce motif que dans le cadre de la consultation menée par le Conseil fédéral sur cet objet, 25 cantons sur 26 s’y sont déclarés opposés. Le Conseil des États, censé justement représenter la voix des cantons, serait donc maintenant bien inspiré de l’écouter, cette voix quasi unanime des cantons, et de jeter définitivement cette proposition à la poubelle.

Davide De Filippo

Campagne