Baisse d’impôts

Défaite prévisible, lourde de conséquences

La défaite du 24 novembre sur la baisse d’impôt sur le revenu était prévisible. Il vaut toutefois la peine d’en faire l’analyse et d’en mesurer les conséquences.

Votations ● La fiscalité a toujours été un thème difficile pour la gauche et pour les syndicats, même si elle est au cœur de la citoyenneté. Il y a déconnection entre l’acte de payer ses impôts, qui vient comme un cheveu sur la soupe d’un budget du ménage déjà bien étranglé, et les avantages qu’on en retire, c’est-à-dire les prestations publiques qui en découlent. Ce d’autant plus que la conscience de ces prestations, si elle existe, est également contre-balancée par des insuffisances (retards de traitement, ou traitement bureaucratique). Les points de vue syndicaux et de gauche n’ont que rarement passé la rampe dans ce domaine, et le vote du 24 novembre n’a pas fait exception à la règle.

Vents contraires

Quatre facteurs venaient alourdir le défi. L’irruption du « bug » de la mise en œuvre du nouvel impôt automobile, avec des salarié-e-s qui ont reçu peu de temps avant de voter une facture explosant de plusieurs centaines de pourcent, n’a pas aidé. Deuxièmement, le souvenir des excédents mirobolants aux comptes 2023 était encore frais. Tant pis si ces excédents étaient temporaires, dus aux prix des matières premières et de l’énergie entre 2021 et 2023, et au carcan budgétaire imposé à l’État. Tant pis aussi si le rendement de l’impôt sur le revenu était, lui, déjà en baisse, et si les correctifs d’estimation d’impôts publiés en novembre montraient au contraire une prévision de déficit, alors que le Conseil d’État clamait qu’il n’y en aurait pas.

Le loup dans la bergerie

Mais plus fondamentalement encore, c’est le pouvoir d’achat réellement sous pression qui explique ce résultat. Cet argument de la droite a porté, et on le comprend, alors même qu’il est profondément injuste et mal placé. C’est l’argument du loup à l’agneau pour pouvoir le manger. Car c’est cette même droite, et le patronat dont elle est le relai, qui portent la responsabilité de cette crise du pouvoir d’achat, en n’ayant de cesse de précariser l’emploi et de creuser les inégalités, en s’opposant systématiquement à toute mesure visant à faire baisser les primes maladies et les loyers, et de l’autre côté, à augmenter réellement les salaires et les rentes. Et, enfin, en rognant lentement mais sûrement sur la capacité de l’État à assumer un service public de qualité à la population, c’est-à-dire à lui offrir des services qu’elle ne peut pas ou plus se payer individuellement.

Vote de classe quand même

L’analyse du résultat montre à quel point il s’agit tout de même d’un vote de classe. Si aucune commune ne l’a refusé, 10 quartiers populaires de la ville de Genève ont voté non, parfois jusqu’à 58 % : des Pâquis à St-Jean et de la Jonction à Cluse-Roseraie, quartiers où le revenu médian atteint à peine les 100 000 fs annuels. A l’inverse, les riches communes PLR de la rive gauche (Collonge-Bellerive, Cologny, Vandoeuvre etc.), où le revenu médian se situe entre 250 000 et plus de 400 000 frs, ont voté oui à plus de 80 %.

Promesse à tenir !

Le PLR a promis que les prestations ne seraient pas diminuées. Nous rappellerons cette promesse à ceux qui devront voter des budgets avec des ressources diminuées, alors que les besoins, on le sait, augmentent. Les automnes prochains se réchaufferont, et ce n’est pas le climat (sinon social) qui sera en cause. On a toutefois entendu le discours jésuitique de Mme Fontanet: « en francs, il n’y aura pas de diminution de prestations », par contre, cela ne veut pas dire, pour elle, qu’il n’y aura pas d’autre formes de réductions.
Jusqu’à quand laisser la bergerie aux mains des loups ?

Jean-Luc Ferrière