Protection sociale

Appel à résistance transfrontalière

La France veut mettre à charge des chômeurs-euses frontaliers-ères les déficits du chômage français et les faiblesses des accords entre États.

Chômage ● La nouvelle est tombée à mi-novembre : l’État français, confronté à un déficit du chômage, a confié la patate chaude aux « partenaires sociaux » qui ont trouvé un bouc émissaire bien utile (malgré l’opposition des syndicats CGT et FO) : les chômeurs-euses tranfrontaliers-ères. Ainsi, ni le patronat ni les salarié-e-s de France ne doivent passer à la caisse. Plusieurs mesures étaient envisagées : suppression de 4 mois et demi d’allocations pour les personnes perdant un emploi entre 53 et 57 ans, contraintes à accepter un emploi au salaire bien moindre sous peine de radiation du chômage, et mise en place d’un coefficient basé sur la différence de salaire moyen entre la France et respectivement la Suisse, la Belgique ou le Luxembourg, qui occasionnerait une baisse de près de moitié (45 %) de l’allocation moyenne (qui n’est déjà que de 57% du salaire perdu) pour les frontaliers-ères ayant perdu leur emploi en Suisse, d’un tiers ( 32 %) pour celles-ceux du Luxembourg et de 11 % en Belgique. Au total, ces mesures représentent 1,4 milliard d’euros sur 4 ans supportés par les seul-e-s chômeurs et chômeuses frontaliers-ères. Si cette dernière mesure semble abandonnée, les autres devraient entrer en vigueur le 1er avril prochain.

Rétrocessions insuffisantes

Pourtant, la cause du problème tient au fait que les États européens ne se sont pas mis d’accord sur une juste répartition du financement des coûts du chômage générés dans des pays frontaliers. La Suisse ne rétrocède à la France que 3 à 5 mois de chômage, bien moins que ça ne coûte réellement (la durée moyenne dépasse une année). Les frontaliers-ères financent donc par leurs cotisations le chômage en Suisse, sans pouvoir le toucher, alors qu’il manque à la France près de 800 millions de cotisations par an. La France n’a pas essayé de réclamer son dû à la Suisse, malgré des interpellations de député-e-s de départements limitrophes ou du Groupement transfrontalier européen. Les chômeurs-euses transfrontaliers-ères font donc clairement les frais d’une situation politico-administrative mal négociée entre les États.
Le SIT, conjointement avec d’autres syndicats suisses (Unia, le SSP), la CGT française et la FGTB belge, milite pour que la solution passe par la renégociation des accords entre les pays concernés, et non pas en mettant le coût et les conséquences sur les chômeurs-euses concerné-e-s, licencié-e-s en Suisse.

Variable d’ajustement

Car on le sait : la Suisse permet de licencier pratiquement sans motif, contrairement à la France. Les frontaliers-ères travaillent dans des secteurs qui ne « tourneraient » pas sans eux ou elles : santé (hôpitaux, EMS), industrie (notamment horlogerie), commerce, construction, hôtellerie-restauration, et autres services. Et contrairement aux rumeurs colportées, notamment par un parti qui en fait son fonds de commerce (il est plus facile de stigmatiser des boucs émissaires que de s’attaquer aux dominants), ils-elles ne font pas baisser les salaires.
Mais lors des crises économiques, les frontaliers-ères sont proportionnellement bien plus licencié-e-s que les résident-e-s en Suisse, servant de « variable d’ajustement » du marché de l’emploi.

Tous-tes concerné-e-s

Outre qu’une telle discrimination est contraire aux principes de la libre-circulation, opposer les salarié-e-s entre eux-elles a toujours desservi la cause générale des travailleurs et des travailleuses. En l’occurrence, ces mesures vont augmenter le dumping, en France, mais également en Suisse et à Genève, en mettant les frontaliers-ères sous pression à accepter des conditions de travail dégradées pourvu de ne pas se retrouver au chômage, ce qui nuira à l’ensemble des travailleurs et travailleuses du canton.
Nous appelons ainsi tous les travailleurs et toutes travailleuses à se mobiliser solidairement contre ces mesures et pour l’amélioration de la protection des travailleurs-euses en Suisse et à Genève. Car l’affaiblissement de la protection sociale des un-e-s affaiblit toujours la capacité de tous-tes à résister aux abus patronaux.

Jean-Luc Ferrière