Luttes salariales ● Les syndicats SIT et SSP ont lancé une pétition demandant la revalorisation des métiers de la santé et du social. Aurélie Villa, titulaire d’un CFC d’assistante socio-éducative (ASE), employée aux Établissements publics pour l’intégration (EPI) et militante du SIT, revient sur la nécessité d’augmenter ces salaires.
Aurélie, pourquoi est-ce que les femmes sont particulièrement touchées par des salaires trop bas dans la santé et le social ?
Beaucoup de métiers du soin ont été historiquement considérés comme une extension du travail domestique. Ils étaient attribués aux femmes et donc jugés comme ne nécessitant pas une vraie rémunération.
Pourtant, tout le monde sait que leur utilité est primordiale. Certaines compétences et un certain attrait du métier sont présentés comme étant « naturels ». Pourtant, ces compétences nécessitent des formations exigeantes, et elles n’épargnent pas un quotidien difficile. Ces professions doivent enfin être reconnues et rémunérées correctement.
Est-ce qu’il existe vraiment des travailleurs-euses du secteur public qui ont du mal à finir les fins de mois ?
Oui, absolument. Beaucoup de nettoyeurs-euses, d’animateurs-trices parascolaires, d’ASE, d’ASSC, d’aides-soignant-es et d’autres professions doivent parfois renoncer à certaines dépenses.
Avec l’augmentation des coûts des loyers et des assurances, certain-e-s peinent à payer leur logement ou même les frais liés à leurs enfants. C’est une réalité très dure à vivre, qui se renforce d’année en année avec l’inflation. Souvent, la première dépense supprimée pour une famille est celle du budget vacances ou loisirs.
Beaucoup n’arrivent plus à partir ou sortir malgré un emploi à plein temps. Pourtant, ce temps de pause me paraît primordial : dans nos métiers, nos « batteries sociales » doivent régulièrement être rechargées pour pouvoir continuer à exercer correctement.
Mais en comparaison au secteur privé, les travailleurs-euses du public ne sont-ils-elles pas mieux loti-e-s ?
J’entends souvent cette phrase, mais elle ne reflète pas la réalité. Dans la santé et le social en particulier, les salaires stagnent depuis des années, alors que le coût de la vie a explosé en dix ans. Ce qu’il faut surtout regarder, c’est la responsabilité énorme qui pèse sur ces métiers : une charge mentale très importante, des horaires irréguliers, des rappels de dernière minute pour combler des absences, des vies de famille bouleversées, une fatigabilité émotionnelle permanente et un corps souvent mis à rude épreuve.
Et puis certains secteurs ne devraient simplement pas être pris en charge par le secteur privé : le rôle de l’État est de répondre aux besoins essentiels de la population, ce n’est pas au privé de se lancer dans une logique de concurrence en tirant les salaires vers le bas, pour s’arracher des parts de marché de la petite enfance, du handicap, de la santé ou de l’éducation.
Cette revalorisation aura-t-elle un effet sur la qualité du service rendu aux bénéficiaires et aux patient-e-s ?
Bien sûr. Une revalorisation salariale permettrait d’attirer de nouvelles personnes vers ces métiers où les employeurs peinent à recruter. Les professionnel-le-s pourraient se concentrer pleinement sur leur mission, soulagé-e-s par des factures enfin payées et un meilleur équilibre de vie : temps de repos, activités familiales, vacances. Cela signifie forcément plus de disponibilité, plus d’écoute et donc un accompagnement de meilleure qualité pour les usagers-ères des services publics. Et ce serait un message fort : nous vous entendons et nous vous soutenons.
Propos recueillis par Alice Lefrançois