Décryptage ● La gauche qui vote avec le Centre une augmentation de la plus antisociale des taxes (la TVA), le PLR et l’UDC qui s’y opposent. Voilà le dernier mouvement de prime abord incompréhensible du débat parlementaire sur le financement de la 13e rente AVS. Comment en est-on arrivé là ? C’est le résultat d’une guerre de tranchées menée par la droite pour faire payer aux travailleurs-euses plutôt qu’aux entreprises la 13e rente AVS, et pour relever l’âge de la retraite. Et tandis qu’on s’écharpe sur le financement de l’AVS, le vol des rentes LPP continue dans un silence quasi absolu.
L’enjeu des cotisations sociales
Petit retour en arrière. Le 3 mars 2024, le peuple acceptait à une large majorité (58 %) l’introduction d’une 13e rente AVS et refusait de manière écrasante (74 %) l’initiative libérale prévoyant un mécanisme d’augmentation régulière de l’âge de la retraite. Sur fond de prévisions exagérément pessimistes et régulièrement révisées de l’équilibre financier de l’AVS, le débat sur le financement de la 13e rente commençait. Toujours prompt à défendre les intérêts des entreprises avant ceux des travailleurs-euses, et non content de proposer la fin de la contribution financière de la Confédération, le Conseil fédéral dégainait alors sa proposition de passer par la plus antisociale des taxes : le relèvement de la TVA, qui pèse infiniment plus lourd dans le porte-monnaie des personnes à bas revenus que dans celui des hauts revenus. Le PS et le Centre trouvent alors un compromis au Conseil des États : maintien de la contribution de la Confédération, et financement mixte en partie par une hausse plus modérée de la TVA couplée à une hausse des cotisations AVS. Un compromis qui permet de financer à la fois la 13e rente et le projet du Centre de déplafonnement des rentes de couples, qui a le mérite d’y faire plus contribuer les hauts revenus, mais aussi et surtout qui fait participer les employeurs à l’effort.
Mais c’était sans compter avec l’extrême droite, UDC et PLR, qui se rebiffe au Conseil national. Pour elle, pas question d’augmenter les charges patronales, et tant qu’à faire, autant refuser également l’augmentation de la TVA et parier ainsi sur un déficit de l’AVS. Une politique des caisses vides qui lui permettra de revenir ensuite à la charge avec le relèvement de l’âge de la retraite. Et voilà comment la gauche et le Centre se retrouvent à voter une solution transitoire, l’augmentation de la TVA durant 3 ans au maximum, pour éviter de mettre l’AVS en mauvaise posture lors du débat à venir sur AVS2030.
La LPP : le vrai problème
Et pendant ce temps, la Commission fédérale sur la LPP recommande au Conseil fédéral de maintenir une nouvelle fois le taux d’intérêt minimal LPP à un niveau beaucoup trop bas (1.5 %). Alors que les caisses de pension engrangent des rendements supérieurs sur les marchés financiers, elles continuent d’appliquer aux assuré-e-s des taux minimalistes. Résultat : des milliers de francs en moins sur la rente future, année après année.
C’est un véritable vol organisé. Les salarié-e-s cotisent une partie importante de leur salaire pendant toute leur vie active. Mais au moment de transformer cette « épargne » en rente, ils-elles subissent la double peine : d’un côté, le taux d’intérêt fixé par le Conseil fédéral qui rogne leur capital, de l’autre, le taux de conversion qui continue de baisser, réduisant d’autant leur rente mensuelle.
Débats homériques sur le financement de l’AVS d’un côté, silence sur le pillage des rentes de l’autre, avec en toile de fond des menaces permanentes sur l’âge de la retraite, nous ne sortirons pas de cette impasse en ajoutant une taxe de plus ici, une rustine de plus là. Il est temps de remettre à plat l’ensemble du système des retraites.
Davide De Filippo