Statistiques ● L’évolution salariale des dernières années a été défavorable aux salarié-e-s. Et cela, malgré que les employeurs dénoncent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Les résultats de l’enquête sur la structure des salaires 2024 (ESS) le confirment : les salaires moyens ont stagné au cours des huit dernières années (+0,1 %), alors que de 2008 à 2016, les salaires réels avaient progressé en moyenne de 1,2 % par an, ce qui est normal : la productivité du travail progresse d’environ 1 % par an. Les salaires réels devraient donc évoluer au même rythme.
Par le passé, les salaires réels avaient presque toujours progressé (sauf dans les années 1990, marquées par la récession et un chômage élevé). Ces dernières années pourtant, il y a pénurie de personnel. Les salaires réels, eux, ont reculé. Lorsque des hausses de salaires ont tout de même été accordées, elles ont souvent été réparties de manière très inégale. Dans de nombreuses entreprises, les employé-e-s de longue date et les plus âgé-e-s ont été particulièrement désavantagé-e-s. Pour beaucoup, les salaires nominaux n’ont même pas été ajustés, si bien qu’il-elle-s gagnent aujourd’hui nettement moins en termes réels.
Distribution vers le haut
La principale raison est une « redistribution » à sens inverse, plus marquée en faveur des actionnaires et des hauts revenus. Lors des négociations, le ton adopté par les employeurs et les cadres dirigeants est parfois frappant. Autrefois, il était entendu que les employeurs compensaient au moins le renchérissement pour leur personnel, lorsqu’ils facturaient des hausses de prix à leur clientèle. Or entre 2021 et 2024 –années de forte inflation –, cette pratique s’est raréfiée. En parallèle, les dividendes versés par les entreprises du SPI ont nettement progressé et les marges sont restées élevées (sauf période Covid).
Inégalités en hausse
Entre 2016 et 2024, les salaires du 1 % supérieur ont fortement progressé, contrairement aux salaires moyens et bas. L’écart salarial s’est à nouveau creusé. Les salaires réels des cadres ont augmenté entre 2016 et 2024, selon leur niveau de fonction, de 0,5 % à 6 %. En 2024, les salarié-e-s sans fonction d’encadrement touchaient, en revanche, un salaire réel inférieur de 0,5 % à celui de 2016.
D’autres facteurs ont pesé sur les négociations salariales, au-delà du ton plus dur adopté par les employeurs et les cadres. Entre autres, l’inflation apparue à partir de 2021 a surpris après une décennie de stagnation des prix. Face à des employeurs plus offensifs, il aurait fallu, dans les négociations salariales, passer plus vite d’une posture défensive à une stratégie offensive, ce qui n’a pas été simple et n’a pas toujours réussi. La situation s’est encore compliquée par le fait qu’une partie du renchérissement était importée (goulets d’étranglement, hausse des prix des matières premières). De nombreux employeurs ont refusé toute discussion salariale, tout en répercutant leurs hausses de coûts sur la clientèle (dans la construction, le commerce de détail, la restauration et l’industrie).
Seule note positive : l’écart salarial entre femmes et hommes continue de s’atténuer, en particulier parmi les salarié-e-s sans fonction d’encadrement. Mais même dans ce segment, les femmes gagnent encore 5,2 % de moins que les hommes. La lutte reste à poursuivre.
Ces résultats démontrent qu’il faudra désormais plus de confrontations et une action syndicale plus résolue pour obtenir de véritables hausses de salaires.
USS, adaptation SITinfo