Dossier

Genève, « capitale des services publics » ?

Quelques jours avant la conférence de presse des partis de droite pour défendre les lois corsets, la section genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER) rendait opportunément publics les résultats d’une étude sur la place prétendument trop grande que prendraient les services publics à Genève. Une étude qui enfonce des portes ouvertes, mais dont le patronat se sert pour alimenter le discours libéral sur le soi-disant « trop d’État ». Florilège des poncifs de droite, dont aucun ne tient la route :

En proportion du nombred’habitant-e-s, Genève à trop d’emplois publics ! » 

Il est vrai que le ratio d’emplois dans les services publics et le nombre d’habitant-e-s est plus élevé que la moyenne Suisse. Mais comparer des pommes et des poires n’a pas beaucoup de sens. Genève est, avec Bâle-Ville, le seul canton avec une majorité de la population qui habite en ville et non à la campagne. Or, proportionnellement à la population, il y a plus de services publics dans les villes que dans les campagnes : transports publics, maisons de quartier, associations subventionnées, parascolaire, etc. Et les métiers du soin sont aussi plus développés proportionnellement au nombre d’habitant-es. A la campagne, le travail du care retombe beaucoup plus sur les femmes, sous la forme de travail gratuit. D’ailleurs en comparant Genève avec un autre canton-ville, seul autre canton comparable, comme Bâle-Ville, Genève a un ratio plus bas.

« La part d’emplois publics dans la santé humaine, l’action sociale croît plus fortement à Genève ! »

L’étude pointe les domaines de la petite enfance, de l’aide à domicile, des EMS et de la santé, où les emplois publics augmentent de manière plus importante à Genève. C’est vrai, mais l’explication est simple : dans la plupart des autres cantons, les crèches, l’aide à domicile, les EMS et les hôpitaux sont moins subventionnés, voire totalement privatisés, et ne comptent donc pas comme « emplois publics », ce qui biaise la comparaison.

« Les emplois publics coûtent plus cher à Genève ! »

Forcément, le coût de la vie étant plus élevé à Genève, et grâce à des décennies de luttes syndicales, c’est l’ensemble des salaires qui sont plus élevés que dans les autres cantons. Notamment dans les crèches, l’aide à domicile, les EMS, dans les hôpitaux publics, mais aussi dans les transports publics, dans le secteur social, et dans certains services de l’administration.

« L’État vole les employé-e-s formé-e-s par l’économie privée ! »
Certains métiers sont en effet mieux rémunérés dans les services publics, ce qui les rend plus attractifs. Mais cela oblige les entreprises privées à rehausser les salaires pour rester concurrentielles. Par ailleurs, c’est l’inverse dans de nombreux métiers : ce sont les HUG qui forment les médecins qui partent ensuite dans l’économie privée, sans parler des taxateurs-trices fiscaux-ales, « aspiré-e-s » par les fiduciaires et autres cabinets spécialisés dans « l’optimisation fiscale » des super-riches. Et n’oublions pas non plus qu’avant toute chose, c’est bien l’école publique qui forme les futur-e-s travailleurs-euses…

« On ne dépense pas l’argent qu’on n’a pas ! »

En fait, si : cela arrive à tout le monde d’emprunter, en particulier les entreprises. Cela étant, appliquer les logiques de l’économie privée à la gestion des finances publiques n’a pas de sens. Car une entreprise privée qui n’a pas les moyens ne fait pas. L’État, lui, obéit à une logique inverse : il ne peut pas se permettre de renoncer à une activité qui répond à un besoin de la population. Et c’est sur cette base qu’il doit ensuite déterminer les ressources dont il a besoin. Et pas l’inverse comme le fait la droite en pratiquant la politique des caisses vides via des baisses d’impôts pour les riches, pour ensuite mieux justifier des coupes dans les services à la population.

« On peut corseter l’État sans réduire les prestations ! »

Si c’était vrai, pourquoi la droite, qui est majoritaire au Grand Conseil et au Conseil d’État ne le fait pas déjà ? En réalité, couper dans les budgets publics sans réduire les prestations n’est pas possible. Et au bout d’un moment, cela se voit ! Alors plutôt que d’assumer de couper dans les prestations à la population, la droite essaie de mettre en place un mécanisme de casse sociale automatique, qui se traduira inévitablement par des privatisations massives, et donc la récupération par l’économie privée de part de marchés de tâches précédemment publiques, mais qui deviendront hautement lucratives pour le privé. CQFD, sur le dos de qui ? Des conditions de travail et de l’ensemble de la population, pardi !

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