Diminuer les cotisations chômage pour augmenter
les cotisations AVS, comme le préconise l’USS ? Pour le SIT, c’est aller un peu vite en besogne.
Analyse ● Le 12 juin dernier, l’Union syndicale suisse se félicitait des décisions du Conseil des États portant sur le financement de la 13e rente AVS et de la proposition du Centre de supprimer le plafond des rentes des couples mariés. Ce financement se décline en trois volets : le maintien de la contribution de la Confédération, que le Conseil fédéral voulait couper pour faire des économies (ou pour financer le réarmement), une légère hausse de la TVA (moins élevée que celle préconisée par le Conseil fédéral), et une hausse des cotisations AVS, ce qui est très bien en soi, mais que la gauche a manifestement dealé contre une baisse des cotisations à l’assurance-chômage, au prétexte de l’excellente santé du fonds chômage. Un peu trop vite à notre goût.
Des milliards d’excédents
D’après le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), le fonds de compensation de l’assurance-chômage était complètement désendetté à la fin décembre 2019. La contribution de la Confédération a ensuite permis de couvrir les énormes besoins de liquidités occasionnés par la pandémie Covid-19, si bien que la bonne santé du fonds a perduré. En 2022, les comptes sont tellement bons que le 1% supplémentaire de cotisation sur les revenus supérieurs à 148 200 frs, dit « cotisation de solidarité », est supprimé. En 2023, le fonds enregistre un excédent de 2,76 milliards, puis de 1,4 milliards en 2024, malgré un ralentissement conjoncturel.
Sur le dos
des chômeurs-euses
Cet excellent résultat est à porter au crédit de la croissance des emplois et de la masse salariale, et donc du volume des cotisations d’un côté, et de la baisse du chômage de l’autre (mais dans une moindre mesure à Genève). Mais avant de s’en réjouir, il conviendrait de regarder la situation de plus près.
Car ces chiffres masquent l’augmentation du chômage des travailleurs-euses de plus de 50 ans, l’explosion du nombre de personnes à l’aide sociale, dont de nombreux-ses chômeurs-euses en fin de droit, y compris des jeunes, qui rappelons-le, se sont vu-es réduire leur durée d’indemnisation lors de la 4e révision de la loi sur le chômage en 2011.
D’autre part, le SECO ne mentionne pas non plus la politique de sanctions qu’il inflige aux chômeurs-euses, qui, selon nos calculs, a permis de prélever dans leurs poches environ 220 millions de francs en 2024, et qui pousse nombre d’entre eux-elles à renoncer à leurs droits, dégoûté-e-s des humiliations qu’ils-elles subissent.
Impôts et assurances sociales, même combat
Comme pour les impôts, quand les comptes vont bien, on veut les baisser et distribuer les cadeaux fiscaux aux plus riches, et quand les besoins augmentent ou qu’il n’y a plus assez de sous pour maintenir et/ou améliorer les prestations, il faut se serrer la ceinture. C’est précisément ce qui s’est passé avec la 4e révision de la LACI en 2011 : au prétexte de la mauvaise situation financière de l’assurance chômage, la droite a rallongé la durée de cotisations ouvrant des droits, réduit drastiquement la durée d’indemnisation, doublé les délais de carences, plafonné les cotisations des très hauts revenus, et instauré la politique du « surveiller et punir » contre les chômeurs-euses.
Et aujourd’hui que fait-on ? Rétablir les droits tronçonnés en 2011 ? Abandonner la politique de sanctions aussi inefficace qu’inhumaine ? Moderniser cette assurance pour permettre aux chômeurs-euses de réellement se former ou se reconvertir ? Adapter cette assurance aux défis que pose la nécessaire transition économique et climatique ? Refaire de la LACI une véritable assurance sociale plutôt qu’un repoussoir dans les bras des abus patronaux ? Non, on baisse les cotisations, et on attend le prochain plan de désendettement… L’USS avait combattu par référendum la 4e révision de la LACI. Elle ferait bien de s’en souvenir aujourd’hui.
Célia Barrez et Davide De Filippo