On peut bien sûr pousser un ouf de soulagement : l’alliance d’extrême-droite a échoué à faire entrer l’un des leurs au Conseil d’État. Car malgré les dénégations du candidat UDC et les cris d’orfraie de ses soutiens politiques et patronaux, il faut bien appeler un chat un chat : l’UDC est un parti d’extrême-droite.
Un parti qui fait son beurre électoral sur la haine des étrangers-ères, qui n’hésite pas à alimenter celle-ci en désignant les migrant-e-s
comme boucs émissaires de tous les maux que lui-même provoque. Voilà donc un parti profondément antisyndical, qui dézingue systématiquement le droit du travail, le droit de grève, et les mécanismes de régulation du marché du travail (salaires minimaux obligatoires et dispositifs de contrôle), et accuse ensuite les travailleurs-euses migrant-e-s (dont l’économie a besoin) d’être responsables du chômage et des abus patronaux qu’ils-elles subissent. Voilà un parti qui prétend « défendre le pouvoir d’achat », mais qui ne garantit que celui des riches à coup de baisses d’impôts, et protège avec constance le racket des assurances maladie, en accusant les migrant-e-s d’être responsables de la hausse des coûts de la santé. Un parti qui s’oppose au contrôle des loyers, favorise l’enrichissement illégitime des propriétaires et la spéculation immobilière, en accusant ensuite encore une fois les migrant-e-s d’être responsables de la pénurie de logements et des loyers trop élevés. Voilà un parti qui se prétend « populaire », mais qui déconstruit méthodiquement toutes les assurances sociales, chômage, AI, retraites, en accusant les migrant-e-s d’en « abuser », tout en garantissant l’impunité des patrons-voyous qui enchaînent faillites frauduleuses sur faillites frauduleuses. Un parti qui prétend « défendre nos belles montagnes », mais qui s’oppose à toutes mesures de lutte contre le réchauffement climatique, en accusant la prétendue « surpopulation étrangère » d’en être responsable, et en profitant au passage de relancer l’industrie nucléaire. Un parti qui se prétend soucieux d’une gestion efficiente des deniers publics, qui taille à la hache dans les services publics, mais qui dilapide des milliards pour l’armée, tout en collectionnant les fiascos (tiens, là ça devient difficile d’en accuser les étrangers-ères, alors autant laisser faire). Un parti qui se prétend « démocrate », mais qui ne respecte les votes populaires que quand ça l’arrange, s’oppose farouchement à l’extension des droits politiques des immigré-e-s tout en durcissant les conditions d’accès à la naturalisation, et s’attaque sans sourciller au droit de manifester, allant jusqu’à préconiser de tirer à balles réelles et à embastiller les « fauteurs de troubles » aussi longtemps que possible sans autre forme de procès. Enfin, un parti qui a fait de la résistance aux revendications égalitaires et émancipatrices du mouvement féministe son nouveau combat, au nom de la « tradition » et en osant prétendre que les violences sexuelles seraient un produit importé…
L’UDC ne serait donc pas d’extrême-droite ? « Allez voir les parkings des immeubles gérés par des fondations de droit public : elles sont pleines de Mercedes et de BMW. On se demande s’ils n’ont pas des activités illégales pour les financer ». Nous y sommes : les pauvres sont des voleurs ! Et à qui doit-on cette pépite ? Trump ? Le Pen ? Wiedel ? Farage ? Meloni ? Orban ? Non : Dugerdil dans la Tribune de Genève du 11 octobre 2025.
Il fût un temps où l’UDC était un épiphénomène insignifiant à Genève, une amicale folklorique qui prêtait à sourire, marginalisée également par une droite et un patronat allergiques à ses outrances, et encore animée par quelques convictions humanistes dont celle que la paix sociale était une valeur supérieure qui valait bien quelques mécanismes de redistribution des richesses. Or, s’il est un enseignement à tirer de cette campagne électorale, ce n’est pas la prétendue nouvelle force de l’UDC à Genève, mais bien l’abandon définitif de ces valeurs par le PLR, par une partie de l’électorat centriste, et par la plus grande partie du patronat organisé. Une alliance à l’extrême-droite, qui n’a pas manqué au soir de sa défaite d’en tenir les « sans ligne politique claire » du centre pour responsables de celle-ci. Et d’avertir en vue des prochaines élections : « vous serez avec nous ou contre nous ». Voilà qui est limpide.
Nous, nous avons choisi notre camp. « Contre les fachos et les abus patronaux » disions-nous le 1er mai dernier. « Contre la politique du parking », pouvons-nous ajouter aujourd’hui.
Davide De Filippo