Dans la foulée des nouveaux accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne, des mesures d’accompagnement ont été négociées à Berne. Avec un résultat mitigé.
Mesures d’accompagnement ● L’essentiel est sauf, mais on aurait pu faire mieux. C’est le sentiment qui prédomine à la lecture du résultat des « discussions de politique intérieure » entre les partenaires sociaux et le Conseil fédéral qui ont suivi l’annonce, en décembre dernier, des nouveaux accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne (lire SITinfo n°1 février 2025). Certainement pas de quoi remettre en cause le soutien à la libre-circulation, dont le rejet serait catastrophique pour les travailleurs-euses, mais qui laisse néanmoins un petit goût d’occasion manquée en bouche.
Protection salariale affaiblie
Car les nouveaux accords bilatéraux prévoient de nets reculs en matière de travail détaché. Ainsi, contrairement à la situation actuelle, une entreprise européenne décrochant un mandat en Suisse et important son propre personnel pour venir le réaliser ne devra plus déposer de caution qu’en cas de non-paiement d’une amende passée, le délai d’annonce avant le début des travaux sera réduit de 8 à 4 jours, rendant ainsi les contrôles plus difficiles, et en matière de frais professionnels, c’est la directive européenne prévoyant l’application des normes du pays d’origine qui s’appliquera. Autant d’affaiblissements du dispositif applicable au travail détaché, qui risque de transformer celui-ci en gigantesque machine à sous-enchère.
Il devenait dès lors impératif de contrer ces reculs par de nouvelles mesures d’accompagnement, négociées entre l’USS, le patronat, et le Conseil fédéral. Quelques jours à peine après l’adoption par l’Assemblée des délégué-e-s de l’USS d’un cahier de revendications, le Conseil fédéral annonçait le résultat de ces négociations, résultat immédiatement salué par l’USS…
Verre à moitié plein
Premier point : les marchés publics de la construction ne pourront être attribués qu’aux entreprises n’ayant pas été précédemment sanctionnées par les commissions paritaires. Mais lorsqu’on connaît la capacité des entreprises à changer de raison sociale comme de chemise, pas sûr que cette disposition garantisse l’impossibilité pour des entreprises voyous d’opérer en Suisse.
Deuxième point : les entreprises principales seront tenues de s’acquitter des amendes conventionnelles infligées à leurs sous-traitants indélicats. C’est un pas en avant, mais qui reste assez peu dissuasif en regard des profits qu’elles réalisent par le mécanisme de sous-traitance. Et une véritable responsabilité solidaire devrait inclure également le versement des salaires impayés par les sous-traitants.
Troisième point : afin de compenser la réduction du délai d’annonce de 8 jours civils à 4 jours ouvrables, les informations seront transmises directement aux commissions paritaires qui devront réaliser les contrôles, sans plus devoir préalablement transiter par d’autres organes. Maigre consolation, mais qui ne suffira pas à garantir des contrôles efficaces, au vu des faibles moyens dont disposent les organes de contrôles.
Frais professionnels sauvegardés
Enfin, et c’est sans doute la meilleure nouvelle, l’obligation d’appliquer les normes suisses en matière de frais professionnels sera inscrite dans la loi, et donc préservée par ce biais. L’enjeu est en effet de taille, car indemniser les frais d’hébergement et de repas des travailleurs-euses détaché-e-s au régime du pays de provenance de l’entreprise remettrait en cause le principe « travail en Suisse = salaires suisses ». Cela constituerait un mécanisme de sous-enchère manifeste, qui offrirait à ces entreprises un avantage concurrentiel indéniable par rapport aux entreprises locales, mettant ainsi ces dernières sous pression, avec, en bout de chaîne, toujours les travailleurs-euses qui paient les pots cassés.
Davide De Filippo