Discriminations

Agressées, dénoncées, renvoyées

Avec le soutien du SIT, des femmes sans-papiers dénoncent leur manque d’accès à la justice et la maltraitance de la police.

Triple peine • Depuis des années, le SIT accueille dans ses permanences de nombreuses femmes sans statut légal victimes de violences. Leur plus grande peur : être expulsées de Suisse. Sur le terrain, la réalité est cruelle : lorsqu’une femme sans papiers signale une agression à la police, c’est souvent elle qui se retrouve dénoncée pour séjour illégal, maltraitée par la police, puis renvoyée, tandis que son agresseur, lui, reste très souvent impuni.
Après des années de silence et de peur, cinq femmes courageuses, pour la plupart travailleuses sans-papiers, ont décidé de dénoncer cette injustice. Le 24 septembre, au SIT, lors d’une conférence de presse, elles ont pu raconter publiquement leur histoire.

Tentative de viol et violences conjugales

Luciana* a témoigné de la tentative de viol de son colocataire, qui, après l’avoir agressée sexuellement et volée, l’a dénoncée à la police. Par peur d’expulsion, elle n’avait pas porté plainte contre lui. Résultat : elle reçoit une ordonnance pénale pour séjour illégal, tandis que son agresseur est resté libre.
Daniela* a témoigné de la manière dont sa vie a été bouleversée quand elle a reçu une décision de renvoi, après avoir dénoncé le père de ses enfants pour violences conjugales. Cet homme, pourtant condamné et emprisonné, devait lui aussi être renvoyé dans leur pays d’origine, laissant notre membre et ses enfants sans aucune protection si elle rentrait dans son pays d’origine.
Esperanza*, qui s’est présentée à la permanence du SIT couverte de bleus, nous a expliqué que son ex-compagnon, après l’avoir frappée, avait appelé la police pour la dénoncer. Elle n’a pas osé porter plainte : des années plus tôt, après un épisode similaire, la police l’avait arrêtée, déshabillée et interrogée pendant des heures. Quand elle avait fini par porter plainte, c’est elle qui avait été renvoyée.

La police contre les victimes

Amelia, une femme de soixante ans, blessée dans un accident de bus, a été interrogée plus d’une heure par la police sur son statut légal au lieu de recevoir des soins, alors qu’elle saignait de la tête. Enfin, Alejandra, une nounou qui, après un accident de vélo survenu alors qu’elle était avec son fils et le bébé dont elle s’occupait, a appelé la police pour demander de l’aide. Mais c’est elle qui a été arrêtée, interrogée, menottée et contrainte de retirer son soutien-gorge, tandis que la cycliste responsable de l’accident a été rapidement relâchée dès que les policiers ont découvert que la victime était sans papiers.

Peur, silence et impunité

Chacune s’est d’abord tournée seule vers le SIT, croyant être isolée dans sa souffrance. Avec la contribution du syndicat, elles ont organisé une action collective pour montrer que la triple violence subie par les femmes sans-
papiers — violence sexiste, policière et institutionnelle — n’est pas un fait isolé, mais une réalité systémique qui prive ces femmes de leurs droits fondamentaux. Elles représentent des centaines d’autres qui n’osent pas parler, de peur d’être renvoyées.
Ces récits révèlent une même logique : la criminalisation des victimes sans-papiers. À Genève, une femme sans papiers qui dénonce des violences risque davantage d’être punie que protégée. Ce système transforme la peur en silence et le silence en impunité.

Les autorités doivent agir

Le SIT dénonce cette situation intolérable et indigne. Nous rejoignons ces femmes en exigeant des autorités, notamment de la conseillère d’État Carole-Anne Kast et du Procureur général, Olivier Jornot, qu’elles garantissent à toutes les femmes, quel que soit leur statut, le droit fondamental à la protection et à la justice. Ces cinq femmes ont eu le courage de parler pour toutes celles qui ne le peuvent pas. Leur parole doit être entendue — et suivie d’actes et de mesures concrètes dans le respect des droits humains.

Ximena Osorio Garate

*prénoms d’emprunt