Discrimination salariale : Un projet de loi consternant est inacceptable

Le Parlement est saisi d’une révision de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes qui instaure une analyse partielle de l’égalité des salaires. Sans vérification ni sanction, cette révision doit être grandement améliorée pour espérer atteindre son but.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité en 1996, la discrimination salariale à raison du sexe a peu reculé. La différence entre le salaire des femmes et des hommes est encore en moyenne de 19,5% dans le secteur privé et de 16,6% dans le secteur public. Les différences salariales peuvent être justifiées par des motifs objectifs comme l’âge, la formation, l’ancienneté par exemple. L’écart inexpliqué entre le salaire des hommes et des femmes, donc discriminatoire, s’élève actuellement à 7,4%. Cela correspond à environ 7000 francs de perte par année. Actuellement, les plaintes individuelles ou collectives sont peu nombreuses, les procédures devant le tribunal très longues et les risques de perdre son emploi élevés. L’employeur qui est condamné pour discrimination salariale ne risque aucune sanction, outre le fait de devoir rectifier les salaires rétroactivement sur cinq ans.

Le projet de révision prévoit que les entreprises qui occupent au moins 50 travailleurs-euses devront effectuer une analyse de l’égalité salariale tous les 4 ans, la faire vérifier par un tiers et informer du résultat leur personnel et les actionnaires des sociétés cotées en bourse. Cela ne concernera que 2% des entreprises publiques et privées et 54% des employé-e-s. Les autres entreprises seront libérées de cette tâche de vérification. La Confédération mettra à disposition une méthode d’analyse reconnue (Logib), mais elle ne prévoit aucune vérification de la part de l’Etat sur la réalisation effective de cette analyse. Elle ne prévoit pas non plus de sanction des entreprises qui ne s’y conformeraient pas. L’analyse de l’égalité salariale devra être vérifiée soit par une entreprise de révision, soit par un-e spécialiste reconnu-e de l’égalité des salaires, soit par un syndicat ou une représentation des travailleurs-euses au sens de la loi sur la participation. Il s’agira d’une vérification formelle sur la manière dont l’analyse a été effectuée. Elle ne permettra pas d’examiner au fond l’existence d’inégalités salariales dans l’entreprise. On est très loin d’une « police des salaires » telle que décriée par le patronat.

Le projet de loi ne prévoit pas non plus d’obligation pour les entreprises de remédier aux discriminations constatées. Si elles ne prennent pas de mesures correctives, les procédures individuelles devant un tribunal resteront par conséquent nécessaires pour faire appliquer l’égalité salariale. Le rapport d’analyse portera sur les discriminations systématiques et les données ne seront pas individualisées. Tout au plus servira-t-il d’élément pour rendre vraisemblable la discrimination salariale individuelle.

Le Conseil fédéral joue tactique. Alors que PV2020 prévoit une augmentation de l’âge de la retraite des femmes au prétexte d’égalité, il se devait de tenter de faire croire que son projet de loi allait permettre de combattre la discrimination salariale persistante à l’encontre des femmes. Mais c’est raté. Non seulement les Chambres ne se prononceront pas avant la votation de septembre sur les retraites, mais leur composition majoritairement hostile à toute réglementation en faveur des salarié-e-s ne laisse présager aucune amélioration d’un projet déjà ultra light.

Valérie Buchs/15 août 2017