De toute part du globe terrestre sont venues des femmes, syndicalistes, militantes, employées de maison, afin de s’unir, de mettre en commun leur force pour défendre leur dignité et leurs droits.
Le syndicat SIT a participé à cet événement mondial : la naissance de la Fédération internationale des employé-e-s de maison. C’est en Uruguay, à Montevideo, du 26 au 28 octobre 2013, que s’est tenu le congrès fondateur, car, non seulement ce pays est le premier à avoir signé en 2012 la Convention internationale 189 "un travail décent pour les travailleurs-euses domestiques", mais il a en plus, depuis une dizaine d’années, une volonté politique de sortir ce secteur de l’économie informelle. En 2006, le pays a adopté une loi concernant les employé-e-s de maison et a fait un très grand travail pour sa mise en application (salaire minimum, contrôles, information, sanctions, etc.). Le chemin à parcourir reste encore long puisqu’en 2013, environ 50% des personnes travaillant dans le secteur sont déclarées aux assurances sociales, la moitié du parcours est déjà fait.
A Montevideo, le SIT a également représenté Unia afin que la Suisse parle d’une seule voix pour le secteur de l’économie domestique.
Cet événement est historique à plus d’un titre car c’est la première fédération internationale d’organisations syndicales, créée, organisée et gérée par des femmes, avec pour principe "parler pour nous-même". Les membres du comité, de la présidence, le secrétariat général et les coordinatrices sont toutes des femmes. C’est dans le monde syndical une première qu’il faut saluer. A noter que la fédération n’exclue pas les hommes, ils étaient présents à ce congrès, mais en tout petit nombre. C’est également la première fois que des travailleurs-euses de l’économie informelle s’organisent mondialement, ouvrant ainsi le chemin aux autres salarié-e-s de cette économie informelle (vendeurs ambulants, etc.). N’oublions pas que les emplois dans l’économie informelle, dans les pays du sud, sont plus importants que les emplois réguliers. Cette fédération vient élargir et renouveler le potentiel d’action des syndicats.
Durant plusieurs jours, 200 participant-e-s venu-e-s des quatre coins du monde (de plus de 50 pays) se sont réuni-e-s pour organiser leur fédération : adoption des statuts, élection d’un comité, d’une présidence et d’une secrétaire générale. La fédération a défini ses buts et s’est dotée d’un plan d’action quinquennal, pour les années 2014 à 2018.
Pour les années à venir, les principaux objectifs sont :
De continuer les campagnes de ratification de la Convention internationale 189 "un travail décent pour les travailleurs-euses domestiques". Aujourd’hui, 14 pays ont signé cette convention. La Convention 189 est un instrument extrêmement important pour améliorer les conditions de travail dans de très
nombreux pays. Au niveau mondial, il existe encore trop de pays dans lesquels aucune loi ne protège les travailleurs-euses de ce secteur. Force est de constater que beaucoup d’enfants travaillent dans ce secteur (au Cambodge, 45% des personnes travaillant dans ce secteur ont moins de 18 ans). Lutter
pour que tous les pays signent cette convention et la mettent en application est synonyme de combattre la pauvreté dans le monde.
De soutenir et de créer de nouveaux syndicats d’employé-e-s de maison partout où c’est possible, il reste malheureusement des pays où il est interdit aux employé-e-s de maison de s’organiser en syndicats.
De former des leaders syndicaux.
De consolider les liens avec les syndicats d’autres secteurs et avec les fédérations nationales et internationales.
D’organiser des actions et des programmes pour créer un monde qui revalorise le travail domestique, qui considère les hommes et les femmes comme égaux et qui traite tous les employés, formels, informels, migrants et nationaux, avec ou sans autorisation de séjour, avec les mêmes droits.
Ces journées étaient extrêmement riches et intenses. Des conditions de travail, des droits et des niveaux de protection fort différents ont été présentés. Plusieurs points communs ressortent néanmoins : la dévalorisation du travail des employé-e-s de maison, le fort pourcentage des personnes sans autorisation de travail, l’importance de l’informalité.
Les réponses données ou les stratégies élaborées pour sortir ce secteur de l’économie informelle méritent toute notre attention afin qu’en Suisse ce secteur quitte également l’informel. La situation en Suisse a pu être présentée et des liens avec des organisations syndicales d’où proviennent les femmes migrantes de ce secteur (Amérique Latine, Asie principalement) se sont créés. Le président de l’Uruguay, José Mujico, est venu nous saluer et a prononcé l’allocution de clôture du 1er congrès mondial des employé-e-s de maison, en mettant l’accent sur le fait que, bien que son pays soit petit et que sa principale source de revenu soit l’élevage, il reste un pays ouvert à toutes et à tous. Il s’est réjoui qu’une grande partie des pauvres du monde s’organisent et a affirmé : "Les pauvres n’ont pas d’autre outil que de s’unir, d’apprendre à lutter ensemble, seules, les luttes collectives permettent d’avancer. Il faut toujours se battre, lutter, sinon le recul est inévitable".
Ce discours restera marqué dans les têtes des délégué-e-s et des participant-e-s, tant par sa pertinence, sa générosité, que par son esprit combatif.
Pour le SIT, Martine Bagnoud – Secrétaire syndicale