Augmentation des cotisations, élévation de l’âge de la retraite, baisse des rentes, voilà une loi qu’on ne peut qualifier de progrès social. Et pourtant, le 3 mars prochain, la préservation des retraites des fonctionnaires et du secteur para-public passe par un OUI à la LCPEG.
Un statu quo impossible
Si le SIT déplore la recapitalisation à laquelle sont contraintes la CIA et la CEH, elle n’en demeure pas moins incontournable, en raison de l’allongement de l’espérance de vie des affilié-e-s, du déséquilibre entre actifs-ves et pensionné-e-s, de l’évolution de droit fédéral obligeant toutes les caisses publiques de Suisse à augmenter massivement leurs réserves (taux de couverture), ainsi que des récentes crises financières et monétaires, qui ont réduit les attentes de rendements.
L’ensemble de ces facteurs a pour conséquence d’obliger les caisses CIA et CEH à être refinancées à hauteur d’environ 130 millions par an d’ici à 2052, auxquels s’ajoutent 800 millions de recapitalisation immédiate pour couvrir les engagements envers les pensionné-e-s. Face à une facture totale de plus de 8 milliards de francs répartie sur 40 ans, le statu quo n’est donc tout simplement pas possible, sous peine de devoir décupler encore la facture par une recapitalisation intégrale, voire à défaut une liquidation des deux caisses.
La droite en embuscade
Personne ne se fait d’illusions, le soutien de la droite à la LCPEG n’a pas pour objectif de préserver les retraites des fonctionnaires. Au contraire, et le débat interne au PLR n’a fait que de le confirmer, les intentions de la droite sont tout autres : réduire drastiquement le coût des retraites du service public, et démanteler tout ce qui dépasse le minimum légal.
Premier enseignement : le projet de loi négocié entre le Conseil d’Etat et le Cartel a constitué le premier obstacle opposé à cet objectif de démantèlement. C’est bel et bien sur un projet « trop généreux » aux yeux de la droite que le Parlement a été contraint de travailler.
A l’heure de se positionner pour le OUI ou le NON à la LCPEG, c’est entre deux options stratégiques que la droite à hésité : accepter le seul projet existant à ce jour, ou lui retirer son soutien au profit d’une relance du processus législatif revenant immédiatement sur les acquis de la LCPEG. Dans ce débat-là, ce sont notamment les milieux bancaires qui l’ont emporté, redoutant qu’une relance du processus législatif, avec les risques d’échec qu’il comporte, n’aboutisse au final à une note encore plus salée pour les finances de l’Etat et pour leurs propres affaires. Mais ne nous leurrons pas, les propos de François Longchamp – rapportés dans la presse – enjoignant ses coreligionnaires à ne pas offrir une victoire au SSP sont purement tactiques : tous les moyens, y compris l’agitation d’un épouvantail anti-libéral, étaient bons pour calmer ses collègues les plus extrémistes. Le risque que la droite a finalement refusé de prendre n’est donc pas celui de devoir faire des concessions aux référendaires, mais bien celui de voir échouer la stratégie extrémiste qu’aurait constitué un appel au NON au profit d’une remise en question immédiate de la primauté de prestations, de la participation de l’employeur à 2/3 des cotisations, et de conditions préférentielles pour les métiers pénibles. A vouloir aller trop vite dans son plan de démantèlement, la droite aurait pris le risque de se voir imposer une recapitalisation bien plus coûteuse financièrement (11 milliards sur 10 ans) ou politiquement (baisse de la note genevoise des agences de notation, endettement ou augmentations d’impôts, liquidation des caisses, etc.).
Préserver l’essentiel…
Deuxième enseignement : un NON le 3 mars redonnerait la main à la frange la plus extrémiste de la droite. C’est en effet se faire de coupables illusions d’imaginer que face à un coût de plusieurs milliards, cette droite puisse renoncer à son objectif de démantèlement, si risqué soit-il, des retraites de la fonction publique. Car si nouveau projet de loi il doit y avoir, il sera déposé par le Conseil d’Etat avant l’été, et traité par la même majorité de droite qui règne au Grand Conseil au moins jusqu’au terme de cette législature. Il n’y a aucun cadeau à en attendre, et s’en remettre à un hypothétique changement de majorité lors des élections de cet automne est plus qu’hasardeux, particulièrement lorsque le sort de 64’000 travailleurs-euses en dépend.
…et repartir au combat Pour le SIT, il s’agit donc aujourd’hui de préserver ce que maintient la LCPEG : primauté de prestations, répartition 2/3 – 1/3 des cotisations, plan « pénibilité », plan favorisant les bas salaires et les professions féminines, etc. Et face aux milieux qui menacent de remettre l’ouvrage du démantèlement sur le métier, il s’agit le 3 mars de consolider les acquis de la LCPEG par un OUI populaire, pour mieux résister aux prochaines attaques, et reconstruire ensuite le rapport de force qui permettra – avec ou sans changement de majorité au Grand Conseil cet automne - de revenir sur les aspects vexatoires de la loi. Voilà la stratégie que le SIT oppose aux provocations de la droite et à l’aventurisme des référendaires.
Davide De Filippo (Extrait de SITinfo N° 1 de janvier 2013)