Politique de la petite enfance
Après la campagne de votation, les actes ?
Les résultats de la votation populaire de juin aboutissent à un résultat paradoxal. Le peuple a donné une majorité de 57,8% des voix à l’initiative 143, soutenue par le SIT, qui prévoyait d’inscrire le droit à une place dans la Constitution. Le contreprojet, soutenu par la droite et le patronat, n’a obtenu que 53,5% des voix. Comme les deux objets ont été acceptés, la question subsidiaire prévue dans ce cas de figure a malheureusement fait passer le contreprojet avec 52,1% des voix. Cependant, il ne fait aucun doute que la majorité des voix exprimées demande des moyens pour résorber la criante pénurie de places que connaît le canton.
Le contreprojet prévoit que l’État et les communes ont cinq ans pour adapter l’offre aux besoins. C’est court pour réaliser les milliers de places manquantes. Il est donc urgent de prendre des mesures afin de réaliser cet objectif. Le contreprojet prévoit que l’État et les communes financent l’exploitation des structures d’accueil de la petite enfance. La loi cantonale en vigueur ne comprenant aucun subventionnement des institutions par l’État, il faut maintenant que le Grand Conseil applique sans tarder la volonté populaire en adoptant une ligne budgétaire conséquente dès 2013 déjà. Un amendement à la loi J 6 29 devrait être proposé à titre de loi d’application des nouvelles dispositions constitutionnelles adoptées par le peuple. Le contreprojet prévoit aussi d’encourager les crèches d’entreprises. La récente fermeture de l’entreprise Merck Serono, qui met en péril l’existence d’EVE Crescendo, est là pour démontrer que ce modèle est fragile et que seule une politique publique permet la création de places d’accueil pérennes.
Par ailleurs, suite à l’adoption de la motion 1952 par le Grand Conseil, le Conseil d’État a récemment déposé un rapport (M 1952-A) qui révèle la nécessité d’une importante offensive de formation (CFC ASE et diplôme d’éducateur-trice de l’enfance) pour répondre aux besoins actuels et futur en matière de personnel et pour remplir les exigences des nouvelles normes d’encadrement prévues pour 2018 (50% diplôme ES, 30% CFC ASE, 20% de personnel en voie de qualification). Afin d’éviter de dégrader plus encore la qualité des prestations, il convient aussi de mettre des moyens à la disposition des écoles et de l’OFPC pour réaliser cet objectif et permettre au personnel non qualifié d’accéder à ces postes. Rappelons que seul 2% des effectifs sont actuellement au bénéfice d’un CFC ASE, alors que le Conseil d’État envisage de parvenir à un taux de 30% en six ans.
Enfin, le rapport n° 49 de la Cour des Comptes de mars 2012 sur le dispositif genevois pour l’accueil de la petite enfance met notamment en évidence la grave carence d’effectifs du Service de l’évaluation des lieux de placements pour effectuer sa mission de contrôle et d’autorisation des institutions. Ce service n’a connu aucune augmentation de moyens depuis des années alors que dans le même temps, le nombre de places a considérablement augmenté dans le canton. De même, l’Observatoire de la petite enfance, qui vient d’être mis sur pied par le DIP, est totalement sous doté (1,2 postes) alors qu’il est chargé d’évaluer les besoins. Ces éléments devraient être pris en compte dans le budget pour qu’enfin nous puissions disposer, dans ce canton, d’une politique cohérente et efficace de la petite enfance. Notre syndicat sera particulièrement attentif à ce que la solution ne passe plus, comme ces dernières années, par un affaiblissement des moyens de fonctionnement des services et des institutions qui se fait au détriment des conditions de travail du personnel et de la qualité des prestations aux enfants et à leurs parents. Quant à délicate question de la définition des besoins, les parents seraient bien inspirés de faire entendre leur voix !
Valérie Buchs (Extrait de Sit-info N° 6 de septembre 2012)