La Constituante a proposé son premier projet de rédaction. Dans les syndicats, on oscille entre la colère, la consternation et la pitié.
« Une révision de la Constitution est nécessaire pour répondre à la crise du canton de Genève : ses institutions sont dépassées (…) l’État semble impuissant, son administration désorientée, les prestations sont en danger, les finances en chute libre, les autorités perdent leur crédibilité ».
C’est par ces mots que les défenseurs du projet d’Assemblée Constituante le présentaient en 2005. Sans vouloir préjuger des sentiments d’autrui, on imagine volontiers leur déception, alors que ce qui était imaginé comme instrument de renouveau devient de plus en plus symbole de recul et d’échec de toute possibilité de discussion tournée vers l’avenir. Mais avant d’analyser la triste fin du projet « nouvelle constitution pour Genève », revenons rapidement aux étapes précédentes.
Une constitution vieille de 164 ans
L’actuelle Constitution est rentrée en vigueur en 1847. Elle a certes été modifiée à de multiples reprises, mais cette première donnée démontre que le travail de « dépoussiérage » et de remise à neuf du texte n’est pas forcement inutile. Mais, bien entendu, il faut que le citoyen puisse bénéficier des éventuelles modifications apportées, sinon, autant rester au point de départ !
Et c’est bien le débat qui anime aujourd’hui le canton … Alors que dans les autres cantons romands les différentes assemblées constituantes (et oui, Genève n’a pas la primeur dans le domaine) ont effectué un travail de rénovation dans le vrai sens du terme, en intégrant un certain nombre de nouveaux articles dans leurs textes constitutionnels respectifs (la question du droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers, notamment), Genève recule sur des sujets particulièrement sensibles et prioritaires pour le SIT.
Les priorités syndicales
Regroupés sous le slogan « droits syndicaux, égalité et solidarité », le SIT a d’ailleurs posé ses principes sur la table dès octobre 2009, pendant les premiers travaux de l’Assemblée Constituante.
Pour les aspects liés au monde du travail, le SIT a réclamé des droits syndicaux tels que la liberté de grève, de désignation d’un délégué syndical et l’interdiction de licenciement de ce dernier dans l’exercice de son mandat, ainsi que des conditions de travail respectueuses pour toutes et tous les travailleurs-euses, via la généralisation des conventions collectives de travail, l’instauration d’un salaire minimum cantonal et d’une assurance perte de gain maladie obligatoire notamment.
Sous le volet « politique d’immigration », les principales revendications défendues ont été le droit de vote et éligibilité pour les immigrés résidents depuis 5 ou 8 ans dans le cantons, au niveau cantonal et communal (revendication d’ailleurs défendue aussi dans le cadre de la campagne unitaire menée par la coordination Vivre), la promotion d’une politique d’intégration active, ainsi que l’octroi d’un permis de séjour à toutes les personnes résidant et travaillant dans le canton : un travail, un permis », revendication fondamentale pour notre syndicat, une nouvelle fois reconduite dans ce processus, convaincu que nous sommes que l’engagement de Genève dans ce sujet soit fondamental afin d’augmenter la pression sur les autorités fédérales. Le SIT a enfin demandé à ce que le principe d’égalité entre hommes et femmes soit assuré dans tous les domaines, via la promotion du principe « à travail égal, salaire égal » accompagné par une égalité garantie dans l’accès aux formations, aux professions et aux fonctions.
Enfin, le SIT a défendu une vision d’un État garant des libertés, de l’égalité et de la solidarité, un État qui soit actif dans la promotion d’une politique économique propre à maintenir les emplois existants et à en encourager la création de nouveau, en privilégiant ceux qui seraient productifs et socialement utiles, un État acteur d’un véritable développement durable prenant en compte le dimension régionale et respectueuse de l’environnement, un État qui œuvre en tant que régulateur et qui veille à la redistribution des richesses collectives et qui assure des prestations de qualité par ses services publiques et institutions subventionnées. Un État que mérite son É majuscule, en bénéficiant d’une Constitution qui puisse se targuer du même caractère !
« Un pas en avant, deux pas en arrière » ?
Or, après deux ans travaux, le constat est consternant. Aucune des propositions avancées n’a été retenue. Pire, un certain nombre des droits fondamentaux qui étaient inscrits dans la Constitution ont tout bonnement été effacés, faisant même fi de récentes votations populaires comme dans le cas du droit au logement ou l’égalité entre femme et hommes.
Sans revenir sur des aspects ponctuels déjà largement médiatisés, c’est particulièrement l’attitude arrogante et dédaigneuse de la droite majoritaire au sien de l’assemblée qui frappe le syndicat. Alors que le cadre d’une assemblée constituante spécialement élue pour cette tâche aurait dû permettre des discussions ouvertes et des confrontations, certes importantes mais respectueuses des minorités, le spectacle qui s’offre à l’observateur attentif que nous sommes est particulièrement désolant. Des décisions mûrement réfléchies et acceptées en commission balayées d’un revers de la main en séance plénière, des jérémiades à tout va sur des aspects parfaitement secondaires (comme la question du nombre de signatures nécessaires pour referendums et initiatives cantonales, qui semble priver de sommeil certains élus de droite) et des propos à la limite du paternalisme face aux réactions consternées de certains secteurs de la société civile.
Plus qu’une assemblée constituante, un jardin d’enfants, avec le texte de notre future Constitution en guise de bac à sable et l’appartenance à tel ou tel parti politique qui devient une sorte d’armure protectrice repoussant toute capacité au dialogue.
Consultation, piège à cons ?
Certainement très satisfait du résultat de son travail, le bureau de la Constituante a lancé début février une « consultation populaire ». Comme si les avis des quelques centaines d’organisations et/ou associations ayant répondu à des précédentes consultations avait été entendus lors de la première partie de ses travaux, les citoyens pourront désormais développer le fond de leurs pensées par un « questionnaire à choix multiples » que les futurs étudiant-e-s de sociologie devraient pouvoir étudier sur les bancs d’école, tant la présence de questions orientées et mal formulées en devient presque amusante.
Comme il l’a fait dans le passé, le SIT a répondu à cette consultation par la présentation d’un document, à disposition sur notre site internet, qui nous permet d’aborder nos revendications de façon générale, ouverte et positive. Et toujours avec la même force et la même combativité.
Le « NON, MAIS » du SIT
Car aujourd’hui, le temps est venu de présenter clairement notre refus de ce projet, qui n’apporte aucun droit supplémentaire et en zappe même un certain nombre de ceux acquis de haute lutte ces dernières décennies. « NON, MAIS » signifie qu’en l’état le SIT appellera ses membres à glisser un NON dans l’urne le moment du vote. La CGAS fera probablement de même avec les membres des autres syndicats genevois.
À moins que nos revendications soient entendues et intégrées dans le texte définitif qui sera soumis au peuple.
Giangiorgio Gargantini
Afin de discuter encore une fois de ces revendications, de les confronter avec les militant-e-s du syndicat, dans un cadre convivial qui permette une véritable analyse de la situation actuelle ainsi qu’une réflexion autour des stratégie à développer afin de défendre le points de vue du syndicat, nous vous invitons à un apéro-débat sur le projet de nouvelle constituante qui aura lieu le mardi 5 avril à 18h15, au SIT (grande salle).