Pour rappel, le maintien global des prestations actuelles (plan équivalent) impliquerait un financement supplémentaire à hauteur d’une dizaine de points de cotisations, qui devraient s’ajouter aux 24% actuels (dès 2012 pour la CEH). A cela deux raisons : d’une part des causes socio-démographiques (allongement de l’espérance de vie et déséquilibre croissant du ratio actifs/pensionnés) dont on a découvert à l’hiver 2009 qu’elles étaient encore plus importantes qu’escomptées. De l’autre, un projet bien avancé de loi fédérale visant à contraindre les caisses publiques à avoir un taux minimum de couverture de leurs engagements ; initialement de 100%, ce taux ne pourrait être finalement que de 80% dans quarante ans. Même si ce dernier compromis, tel que sorti de la commission du Conseil des Etats, devait s’imposer, cela impliquerait néanmoins pour nos caisses un important refinancement pour atteindre cet objectif.
S’il n’est pas grand-chose que l’on puisse faire quant aux éléments socio-démographiques, hormis continuer de se battre pour les effectifs de la fonction publique et ainsi ne pas aggraver encore le rapport entre actifs et pensionnés, il en va évidemment autrement de la législation fédérale qui relève d’une simple volonté politique. En ce sens, et même si les chances de créer un front assez large au niveau national, et partant de gagner un référendum sur le sujet, sont a priori très faibles, le SIT s’engage à faire ce qui est en son pouvoir pour s’opposer à cette réforme.
Non à plus de capitalisation
C’est qu’il en va également d’une question de principe qu’il vaut la peine de rappeler ici. Le SIT en effet s’est toujours opposé à la logique du deuxième pilier sous le double aspect qu’il n’implique aucune solidarité entre les revenus et repose sur un système de capitalisation qui capte des sommes considérables pour les soumettre à la spéculation financière, intéressant de ce fait les salarié-e-s à la rentabilité du capital dont on sait qu’elle se fait en bonne partie sur le dos des salarié-e-s eux-elles mêmes. Le SIT lui a toujours préféré le premier pilier basé sur la solidarité (plafonnement des prestations mais pas des cotisations) et la répartition (les rentes des pensionnés sont directement financées par les cotisations des actifs) et en demande depuis longtemps le renforcement, dans l’esprit du projet de « rentes populaires ». Avec le projet de loi fédérale, on s’attaque ainsi au dernier îlot de répartition dans le système du deuxième pilier, qu’autorisait la possibilité d’un financement mixte (répartition et capitalisation) des caisses bénéficiant de la garantie financière d’entités publiques.
Dans tous les cas de figure, il faudra toutefois faire face à un conséquent refinancement de la future institution de prévoyance. Et il n’y a pas mille moyens d’y parvenir, mais plutôt quatre : augmentation des cotisations, baisse des prestations, contribution spécifique de l’Etat ou des pensionnés (par la non-indexation des rentes). Si l’on risque bien d’aboutir à un mélange de tout cela, il convient tout de même de privilégier certaines pistes. Concernant les coûts induits par les éléments socio-démographiques, il serait normal de recourir essentiellement à des hausses de cotisations, selon la répartition actuelle de deux tiers pour l’employeur et d’un tiers pour les salariés. C’est en effet la logique du système par primauté de prestations que de fixer les prestations et d’adapter ensuite les cotisations en fonction du coût de celles-là. Concernant par contre la législation fédérale, si elle devait être adoptée, il serait alors naturel que son coût soit assumé par l’Etat, les assuré-e-s n’étant en rien responsables de celle-là.
Pour plus de solidarité
Cette répartition des charges sera évidemment au cœur des négociations et affrontements à venir. L’issue de ceux-là est également très incertaine. Et si cette dernière dépendra de notre capacité, et de celle des autres organisations syndicales, à mobiliser le personnel, il apparaît déjà au SIT nécessaire de se fixer des priorités dans la défense des conditions de retraite des salariés du public, au-delà du maintien de la primauté de prestations et de la répartition un tiers deux tiers des cotisations. En effet, toutes les pistes de financement explorées à ce jour soulèvent des problèmes spécifiques dont on fait l’analyse qu’elles n’ont pas la même signification pour toutes les catégories du personnel. Si le fait d’augmenter les cotisations signifie une diminution pour toutes et tous du salaire net, si l’augmentation des années de cotisations signifie pour toutes et tous qu’il faut travailler plus longtemps pour une même rente, si une baisse des prestations de retraite signifie pour toutes et tous une pension diminuée, cela n’a pas le même impact selon que l’on dispose d’un revenu confortable ou d’un petit salaire, ou si l’on arrive déjà épuisé par le travail à 60 ans ou avec encore de la ressource.
A l’analyse, il ressort que deux catégories de personnel, qui se recoupent partiellement, méritent une attention particulière : les bas revenus et le personnel soumis à une objective pénibilité du travail (notamment du fait d’horaires irréguliers). Aux premiers, il faut absolument assurer le maintien du niveau de leurs prestations de retraites sans les accabler de trop fortes augmentations de cotisations. Au second, il faut impérativement lui permettre de continuer de pouvoir partir en retraite anticipée aux conditions actuelles. Cela implique d’une part de différencier le traitement cotisant du traitement servant au calcul de la rente, de manière à introduire une solidarité entre les revenus, les augmentations de cotisations « rapportant » plus en termes de prestations pour les bas salaires que pour les hauts. Cela implique d’autre part de prendre en compte la pénibilité du travail dans la durée de cotisations, soit en maintenant un âge pivot (âge à partir duquel on peut prendre sa retraite sans subir de décote) différencié pour cette catégorie du personnel, soit en leur permettant d’acquérir un pourcentage de taux de prestation de sortie plus élevé par année de service.
De la sorte, et au vu de la composition respective des deux caisses, on compenserait en partie le désavantage des affilié-e-s de la CEH qui, partant d’un plan de prestation plus avantageux, se retrouvaient perdants dans la fusion. Et surtout, si l’on ne devait pas maintenir l’ensemble des prestations actuelles, au moins aurions-nous obtenu de notre deuxième pilier qu’il soit plus solidaire et plus juste.
Julien Dubouchet Corthay