Près de 600 travailleuses et travailleurs sans statut légal inscrit-e-s auprès du SIT ont participé à l’assemblée générale organisée le 1er juin 2010 à la salle du Faubourg. Venu-e-s en masse, ces hommes et ces femmes sont une nouvelle fois sorti-e-s de l’ombre pour réaffirmer leur revendication : Un travail = un permis.
Dans le sillage des assemblées générales de 2003 et 2004, les centaines de travailleuses et travailleurs, étudiants et apprentis présent-e-s ont adopté une résolution (voir ci-contre) qui appelle notamment le Conseil d’État à s’engager à régulariser collectivement les travailleuses et travailleurs sans-papiers actifs à Genève et à renoncer à exécuter les décisions de renvoi des autorités fédérales.
Depuis plus de dix ans le syndicat SIT se bat avec le Collectif de soutien aux sans-papiers pour la régularisation collective des travailleuses et travailleurs sans papiers. Cette lutte de longue haleine a déjà permis d’obtenir de belles victoires d’étapes. Depuis la mise en place des permanences spécifiques pour les travailleurs et travailleuses sans-papiers en 2002 et l’établissement d’une procuration indiquant que la personne est connue du syndicat, nous avons pratiquement fait cessé les expulsions manu militari. Suite aux assemblées générales de 2003 et 2004, auxquelles les travailleuses et travailleurs sans-papiers ont participé en masse, nous sommes parvenus à faire sortir de l’ombre cette problématique et celle du secteur de l’économie domestique. Suite à cette impulsion et à la demande officielle de régularisation collective avec le dépôt de près de 2000 dossiers auprès du Conseil d’État, nous avons obtenu le soutien du gouvernement genevois. En 2005, ce dernier a officiellement demandé aux autorités fédérales « la régularisation exceptionnelle et unique des travailleurs-euses de l’économie domestique en situation irrégulière ».
Ces victoires au niveau cantonal ont cependant été contrebalancées par des défaites au niveau fédéral. En septembre 2006, le peuple suisse a voté la loi sur les étrangers qui verrouille l’accès à des permis de travail pour les personnes venant de pays hors de l’Union européenne. Quelques mois plus tard, le parlement fédéral a voté sa loi sur le travail au noir qui amalgame travail au noir (travail non déclaré aux assurances sociales, effectué par des personnes avec ou sans statut légal) et travail au gris (travail déclaré aux assurances sociales effectué par des personnes sans statut légal). Ces durcissements législatifs ont sans aucun doute freiné l’élan en faveur de la régularisation collective. Mais aujourd’hui, avec les motions adoptées par le Conseil national en faveur de l’accès des jeunes sans-papiers à l’apprentissage, l’horizon s’éclaire. Comme l’a souligné l’ex-Conseillère fédérale Ruth Dreifuss, lors de son allocution en assemblée, cette bataille est longue et difficile et les travailleuses et travailleurs sans-papiers le savent. Le 1er juin 2010, ils étaient aussi déterminés qu’en 2002 à réclamer leur régularisation collective. Ni découragés, ni évaporés, ils et elles sont toujours présents, toujours tenaces et toujours unis, avec le SIT dans la lutte pour leur régularisation.
Lara Cataldi, Fátima Cilene de Souza, Thierry Horner et Giangiorgio Gargantini
Assemblée générale des travailleuses et travailleurs sans-papiers défendus par le SIT
Genève, le mardi 1er juin 2010
Nous, travailleurs et travailleuses sans-papiers, sommes 600 aujourd’hui, unis et réuni-e-s en assemblée générale. Nous réaffirmons notre demande de régularisation collective :
parce que nous sommes plusieurs milliers à travailler et à vivre à Genève depuis de nombreuses années ;
parce que nous servons l’économie de ce canton comme tou-te-s les autres travailleuses et travailleurs ;
parce que sans autorisation de séjour nous sommes à la merci de l’exploitation et démunis de protection sociale ;
parce que sans droits et sans statut nous sommes dans l’impossibilité d’assurer un avenir à nos enfants parvenus en fin de scolarité obligatoire. Depuis le lancement de notre campagne « un travail = un permis » en 2003, nous avons engrangé quelques victoires et maintenu certains acquis importants :
le secteur de l’économie domestique (qui emploie la majorité d’entre nous) a été réglementé par l’entrée en force obligatoire d’un contrat type de travail ;
notre droit à l’assurance maladie obligatoire a été reconnu ;
notre droit à certaines assurances sociales a été reconnu ;
notre accès au tribunal des prud’hommes a été garanti ;
les expulsions manu-militari pour infraction à la loi sur le séjour ont pratiquement cessé ;
nos enfants ont accès à la scolarité obligatoire et, depuis peu, à des filières de formation à plein temps.
Ces avancées ont été possibles grâce au soutien du SIT, des organisations membres du collectif de soutien aux sans-papiers, d’élu-e-s et partis de droite et de gauche, et grâce au gouvernement genevois dont nous saluons l’engagement en faveur de la régularisation de plusieurs milliers de travailleuses et travailleurs du secteur de l’économie domestique.
Cependant, la régularisation collective n’a pas abouti à ce jour. L’application actuelle de la loi sur les étrangers d’une part et de la loi sur le travail au noir de l’autre, met en danger les efforts entrepris à ce jour pour améliorer nos conditions de travail et de vie.
Par ailleurs, nous réaffirmons avec force que la solution dite au cas par cas préconisée par l’ODM ne convient pas puisque l’écrasante majorité d’entre nous qui a dû l’utiliser depuis 2001 s’est heurtée à un refus des autorités fédérales, que ce soit après 5, 10, 15 ou 20 ans de séjour et de travail dans ce pays. Aussi afin de maintenir nos acquis et de stabiliser notre situation, nous demandons :
Au Conseil d’État de Genève :
de s’engager à régulariser collectivement les travailleuses et travailleurs sans-papiers actifs à Genève, avec une attention toute particulière au secteur de l’économie domestique ;
de renoncer à exécuter les décisions de renvoi des autorités fédérales ;
d’appliquer la loi sur le travail au noir de manière à encourager notre affiliation aux assurances sociales ;
de s’engager à donner accès à l’apprentissage aux jeunes sans statut légal ;
À toutes les citoyennes et citoyens de ce pays de s’engager avec nous en faveur d’une régularisation collective de toutes les travailleuses et travailleurs sans statut légal actifs et actives en Suisse.