Après 20 ans d’exploitation par leurs employeurs diplomates pakistanais, des employées de maison essuient le mépris des autorités genevoises.
En prenant soin des foyers et des enfants des membres de la Genève internationale, elles ont contribué de manière significative à l’économie locale. Elles ont travaillé plus de 20 ans sans salaire et quand elles sonnent à la porte des autorités genevoise pour demander que justice sociale leur soit rendue, personne ne répond.
Elles sont 6, des femmes philippines, venant de familles défavorisées qui, depuis le 19 mai dernier, attendent une réponse des autorités genevoises. A l’origine, elles ont quitté leur famille car dans la promesse de contrat figurait un toit, de la nourriture, un salaire et les protections sociales qui vont avec. Une fois arrivées à Genève, elles ont dû se débrouiller pour trouver un emploi car leurs employeurs leur ont annoncé qu’elles allaient travailler gratuitement. Pendant des décennies, elles ont été tenues au silence par crainte de perdre leur statut de séjour, (une carte de légitimation liée à l’employeur bénéficiant de privilèges et délivrée par la mission suisse) et elles ont accepté de travailler plus de 10 heures par semaine sans salaire tout en travaillant pour d’autres familles pour subvenir à leurs besoins vitaux.
Un cas non isolé
De nombreuses histoires d’employé-e-s domestiques exploité-e-s par des diplomates ont déjà défrayé la chronique soulevant l’indignation populaire mais au final les effets concrets sont rares, voire inexistant. Une fois le scandale passé, l’histoire se répète et ces femmes exploitées et victimes de plusieurs discriminations notamment liée au genre - le secteur de l’économie domestique étant largement surreprésenté par des femmes- retombent dans l’oubli et l’esclavage moderne.
Aujourd’hui ce sont plusieurs femmes qui ont pris le risque d’affronter le monde de la diplomatie et ses privilèges en témoignant à visage découvert pour une émission télévisée diffusée à une heure de large audience et à l’échelle nationale (Mise au Point du 6 juin 2021, RTS). Les humiliations subies par leurs employeurs pakistanais et la perte de leur revenu en raison de la pandémie a fait basculer leur fragile équilibre. Elles ont décidé de sortir de l’ombre et du silence pour faire cesser une pratique d’exploitation de la force de travail qui perdure dans la ville qui abrite le siège du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Interpellation des autorités cantonales et fédérales
Par l’intermédiaire du SIT, elles ont interpelé les autorités fédérales et cantonales. Un premier courrier adressé aux conseiller-èr-s fédéral-e-s Karin Keller-Sutter et Ignazio Cassis, pour dénoncer les abus subis et demander à la Suisse qu’elle les protège en prenant des mesures pour faire cesser des pratiques susceptibles de contrainte, usure voire de traite d’êtres humains a reçu un accusé de réception assurant que des contacts avaient été immédiatement pris.
Sur le plan cantonal, il en est de la nécessité d’enclencher le processus d’une demande de régularisation de leur statut de séjour, de trouver du soutien entant que femmes victimes de violence liée au genre et de témoigner des abus subis et pour obtenir un réparation financière collective. Pour cela, elles ont demandé à être auditionnées par Nathalie Fontanet en charge du Département des finances et des ressources humaines auquel est rattaché le service de la Genève internationale et le bureau de l’égalité, Mauro Poggia chef du département de la sécurité, de la population et de la santé et Martine Brunschwig Graf, Présidente du Bureau de l’amiable compositeur en charge de concilier les affaires concernant les litiges impliquant les membres de la communauté internationale.
Un silence consternant
Aux actes de violence perpétrés par la diplomatie pakistanaise, s’ajoutent ceux des conseiller-èr-es d’état genevois. Ignorer les faits graves dénoncés par ces lanceuses d’alerte alors même qu’elles ont déposé plainte auprès du ministère public, que la longueur de l’instruction pénale est notoire et qu’elles se sentent en danger, est un geste de pur mépris. Les employées de maison sont des travailleuses à part entière qui méritent reconnaissance, écoute et respect de leur droit les plus fondamentaux. Leur détermination et leur courage est à la hauteur de ce qu’elles ont subi, c’est pourquoi elles réitèrent leur demande d’être auditionnées par les ministres de tutelles de la Genève internationale, du département de la population et de la présidente du BAC pour obtenir réparation dans le respect des conventions internationales et dispositions légales suisses.
Besoin de mesures urgentes
Sans réponse rapide de leur part, alors qu’elles ont contribué de manière significative à l’économie locale en prenant soin non seulement des foyers et des enfants des membres de la Genève internationale mais aussi des employeurs privés, elles sont contraintes soit à la clandestinité, soit au retour au pays. Des mesures urgentes doivent être prises pour renforcer les contrôles et empêcher que de telles pratiques d’exploitation de la force de travail se reproduisent dans le futur et au sein de l’ensemble des missions permanentes.