Les enjeux de l’application

Date d’entrée en vigueur, exceptions, effets sur l’emploi et les salaires du personnel qualifié, tour d’horizon des enjeux de l’application du salaire minimum légal.

Perspectives
Elles ne se sont pas fait attendre, les réactions patronales à l’acceptation de l’initiative « 23 frs, c’est un minimum ! ». A peine le résultat connu, les voilà qui prédisent licenciements, réduction du temps de travail et menaces sur les Conventions collectives de travail, tandis que Mauro Poggia suggère à demi-mots d’exclure les mal nommés « emplois de solidarité » (EdS) du champ d’application, et Antonio Hodgers de répéter béatement le mantra libéral d’une hypothétique pression à la baisse sur l’ensemble des salaires. « Du gros n’importe quoi », selon l’expression consacrée, mais révélateur de vrais enjeux portant sur l’application du salaire minimum légal, à commencer par son entrée en vigueur.

Le plus vite possible
La volonté populaire est aussi claire que le cadre légal : le Conseil d’Etat doit promulguer la loi sans délai, pour une entrée en vigueur immédiate. Tout au plus peut-on concéder un retard administratif de quelques jours, de manière à faire coïncider l’entrée en vigueur avec le 1er novembre 2020, histoire d’alléger la charge administrative que constituerait pour les employeurs le calcul d’une partie du salaire d’octobre à l’ancien tarif et l’autre à celui du salaire minimum. Les salarié-e-s à bas salaire attendent cette augmentation depuis trop longtemps, et ce n’est pas à elles-eux de subir les conséquences de l’impréparation des entreprises au résultat de la votation.
Quant au champ d’application, l’initiative adoptée est également limpide : dès lors que les EdS relèvent d’un contrat de travail, le salaire minimum leur est applicable, et l’Etat doit par conséquent augmenter le subventionnement de leurs salaires.

Effets sur l’emploi
Des voix patronales s’élèvent pour évoquer des charrettes de licenciements, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration et du nettoyage, sinistrés par les effets de la pandémie de Covid-19. Or, c’est oublier que pour de nombreuses entreprises, le problème des bas salaires résulte de modèles d’affaire fondés soit sur la maximisation des profits au détriment des salarié-e-s, soit sur des modèles économiquement non viables dès lors qu’il s’agit de verser des salaires décents aux salarié-e-s. Parce que l’introduction du salaire minimum légal contraint à la correction de ces modèles, parce que la crise résultant du Covid-19 appelle de toute façon une intervention résolue de l’Etat afin de protéger l’emploi, et parce que le relèvement des salaires aura lui-même un effet économique et donc sur l’emploi, la CGAS a dès le lendemain du 27 septembre écrit au Conseil d’Etat afin qu’il réunisse très rapidement les représentant-e-s de tous les secteurs et départements concernés.

Revalorisations salariales
Quant à l’hypothétique pression à la baisse sur l’ensemble des salaires, les mauvais esprits diront que le Conseil d’Etat a su faire preuve d’anticipation en annonçant son intention de baisser les salaires de la fonction publique (lire en pages 8-9) deux semaines avant le vote du 27 septembre…
Au-delà de la boutade, la CGAS attend du Conseil d’Etat et du patronat qu’ils ne remettent pas en cause la politique cantonale en matière d’application des mesures d’accompagnement et de lutte contre la sous-enchère salariale au prétexte (ou par mesure de rétorsion) de l’introduction d’un salaire minimum légal. Bien au contraire, il s’agit pour la CGAS d’améliorer encore ces mesures et ces outils (lire en page 5), et de lutter pour la revalorisation des salaires du personnel qualifié dans les branches directement concernées par l’introduction du salaire minimum légal.

Davide De Filippo, SITinfo n°5, octobre 2020