Hasta la victoria

Les commentaires de lecteurs-trices de la Tribune de Genève n’ont pas tardé à fuser, dès la publication en ligne de l’article relatant l’acceptation de la motion Ettlin par le Conseil national, qui prévoit de faire primer les salaires conventionnels sur le salaire minimum légal cantonal même s’ils sont plus bas : « Les NOMS des élus genevois qui ont voté pour la motion !!!! Allez Tribune, qui trahit notre volonté populaire ? », « A rayer à jamais de nos listes de vote », « Bravo les députés à la botte du capitalisme. Il faudra se rappeler du député genevois félon ».

Les noms des député-e-s genevois-es qui ont voté pour la motion ? Les voici : Céline Amaudruz (vice-présidente de l’UDC), Simone de Montmollin (PLR), Christian Lüscher (PLR), Vincent Maître (Le Centre), Yves Niddegger (UDC). Lorsque l’on sait que la motion n’a été acceptée qu’à deux voix près, il aurait suffi que deux d’entre-eux-elles, à l’instar de Magdalena Martullo-Blocher (UDC), s’éclipsent opportunément lors du vote, pour éviter de faire passer le respect de l’idéologie libérale avant le respect de la volonté populaire exprimée par un canton, a fortiori celui dans lequel ils-elles ont été élu-e-s.

Au lieu de cela, ces député-e-s ont préféré trahir le vote des 81’371 électeurs-trices genevois-es plutôt que la ligne libérale de leurs partis respectifs. Car ne nous y trompons pas, ce vote n’est pas le résultat de quelques errances d’individus mal luné-e-s, mais le résultat de la lutte des classes sans merci que la droite patronale mène avec constance contre les droits des salarié-e-s.

Et pour arriver à ses fins, cette droite fait preuve d’une hypocrisie et d’un cynisme sans limite. On doit en effet se pincer pour y croire, lorsqu’un Vincent Maître, dans les colonnes de la Tribune, qualifie de facto les conventions collectives aux salaires inférieurs de « solutions adaptées et sur-mesure pour les travailleurs » ! On croit rêver, lorsque ce même député, dont le parti ne cesse, avec ses copin-e-s PLR et UDC, de s’en prendre au service public et aux assurances sociales sous prétexte d’ « assainissement », s’en remet à « l’accompagnement des bas-salaires par des politiques sociales justes et efficaces », c’est-à-dire à un subventionnement public des politiques patronales de précarisation de l’emploi.

Mais le comble de l’hypocrisie est atteint par son compagnon de parti Fabio Regazzi, au demeurant président de l’USAM, l’organisation patronale nationale dont est membre GastroSuisse (l’organisation patronale de l’hôtellerie-restauration signataire de la CCT nationale du secteur, qui justement prévoit des salaires inférieurs de 500 frs au salaire minimum légal genevois). Lors du débat parlementaire, celui-ci n’a pas eu honte, pour justifier la motion Ettlin, d’inviter les syndicats à « mieux négocier les salaires », alors qu’il y a moins de six mois, il appelait les syndicats à « se monter raisonnables » dans leurs revendications… Et là encore, ce cynisme n’est pas celui d’un homme isolé, mais bien celui d’une droite patronale dans son ensemble. En témoigne l’intervention tout aussi hypocrite d’un Vincent Subilia, directeur d’une autre organisation patronale (CCIG) et député PLR au Grand Conseil genevois, qui tout en se réjouissant d’une « compétitivité retrouvée » pour les entreprises qui ne seraient plus soumises au salaire minimum légal, « compte désormais sur les syndicats et les patrons pour négocier une revalorisation des salaires ».

Une droite patronale « à rayer à jamais de nos listes de vote » ? Sans l’ombre d’une hésitation, à commencer par les élections cantonales du printemps prochain, puis celles fédérales de l’automne.

Quant à la suppression du salaire minimum légal dans les secteurs conventionnés, on n’y est pas encore. Car pour entrer en vigueur, la motion Ettlin doit d’abord être transformée en loi. Et vu la très courte majorité qui a accepté la motion, la droite est encore loin d’avoir gagné la bataille. A nous, travailleuses et travailleurs, d’y jeter toutes nos forces, dans les entreprises, dans la rue et dans les urnes, jusqu’à la victoire finale.

Davide De Filippo

EXERGUE :
C’est le résultat de la lutte des classes sans merci que la droite patronale mène contre les travailleurs-euses