Être employé-e de maison à Genève, c’est cumuler les galères !

À l’occasion de la journée internationale des travailleurs et travailleuses domestiques qui a lieu le 16 juin depuis que l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté la Convention n°189 en 2011 leur garantissant un travail décent, des employées de maison et militantes du SIT sont prêtes à témoigner de la rudesse de leur quotidien.

Le bien-être pour les uns – la galère pour les autres
Le travail domestique participe au bien-être global. Selon les derniers résultats de l’office fédéral de la statistique, le temps consacré au ménage, à la préparation des repas, aux soins et à l’éducation varie entre 11 et 57 heures hebdomadaires selon les situations. Dans certains foyers, ce sont les employé-e-s de maison qui exécutent ce travail. Quand un-e employé-e de maison dit je fais tout, cela signifie travailler près de 60 heures par semaine.
À Genève, plus de 8’000 personnes travaillent dans le secteur de l’économie domestique. En ratifiant la Convention 189 de l’OIT en 2014, la Suisse a clairement reconnu la plus-value apportée par ces employé-e-s domestiques en matière d’essor économique et de bien-être général. Elle a fait sienne la définition du travail décent, c’est-à-dire équitable, stable et productif.
Les employeurs, eux, peinent à faire le pas. Certains d’entre eux profitent de la méconnaissance des lois, de la langue et de la vulnérabilité de leurs employé-e-s. Ils sous-estiment le temps nécessaire à entretenir un appartement ou une maison avec ou sans jardin et éventuellement piscine. Ils ne reconnaissent pas le travail de nuit des garde-malades, ne font pas les démarches pour déclarer les salaires aux assurances sociales, ne déduisent pas correctement l’impôt à la source, ne font pas les demandes de permis pour les ressortissant-e-s européen-ne-s, ne respectent pas les délais de congé, ne paient pas les salaires en cas de maladie, menacent les personnes sans statut légal de les dénoncer aux autorités. Il arrive même dans les cas extrêmes qu’ils ne paient pas les salaires du tout.

Pour un travail décent
Les ménages privés, les familles, et les diplomates qui emploient des employé-e-s domestiques ont des obligations d’employeur. Les contraindre à les respecter c’est rendre le travail des employé-e-s de maison décent. Un travail décent, c’est ce que demandent aujourd’hui les militantes du SIT. Elles témoignent de leurs conditions de travail misérables pour tenter de convaincre les autorités d’agir pour qu’elles soient mieux protégées.

Elles sont prêtes à témoigner
Estela a quitté son village natal en 2007 après que les militaires l’aient dévasté. De nationalité péruvienne et espagnole, elle aurait eu droit à un permis de travail via les accords bilatéraux mais aucun employeur n’a fait la demande pour elle jusqu’en 2017. Non déclarée aux assurances sociales pendant tout ce temps, elle a perdu 10 ans de cotisations. Quand finalement un employeur a entamé les démarches, il n’a pas appliqué le bon taux de retenue de l’impôt à la source. Elle a reçu une facture de l’administration de CHF 910.- Suite au décès de son employeur et au non-paiement du délai de congé, elle n’a pas pu payer dans les temps un versement. Elle s’est immédiatement retrouvée avec une poursuite. En recherche d’emploi ses potentiels employeurs lui demandent un extrait de poursuite vide qu’elle ne peut présenter. À 60 ans, partiellement au chômage, avec des dettes et la perspective d’une retraite misérable, Estela cumule les galères parce que ses employeurs n’ont pas respecté le minimum de leurs obligations.

C’est aussi le cas de Dorkas, qui à 73 ans est contrainte de travailler car aucun employeur ne l’a déclarée aux assurances sociales. Elle a obtenu un permis à travers l’opération papyrus mais elle ne reçoit rien de l’AVS.
Genesi, Zulma, Valdelice, Maria et Ana n’ont jamais reçu de salaire alors qu’elles se sont occupées de deux personnes âgées, nuit et jour. Trois d’entre-elles ont fait les démarches auprès des prud’hommes. Elles ont gagné mais le fils du couple dont elles s’occupaient, reconnu comme l’employeur, cumule plus de CHF 200’000.- de poursuites. Elles ne verront jamais la couleur de leur argent.

Son employeur n’ayant pas contracté d’assurance perte de gain, c’est l’échelle de Berne qui s’applique à Gloria qui, atteinte d’un cancer ne recevra son salaire que pendant 5 mois. Elle a vécu et travaillé pendant plus de 15 années auprès de cette personne âgée qui n’a pas mesuré les conséquences de sa décision.

La situation de Monica, Anna, Nina, travaillant dans les missions diplomatiques n’est pas non plus à envier. Leur statut de séjour est des plus précaires, la protection qu’offre le canton en cas d’abus manifeste est minime. Au mieux si le ou la juge d’instruction estime que la présence des plaignant-e-s est nécessaire, un statut de séjour de courte durée leur est accordé. Pour se reconstruire et envisager un avenir serein après avoir été exploité-e-s pendant plus de 20 ans, on peut rêver mieux.

Des mesures de protection concrètes pour rendre le travail décent
Ces témoignages (noms d’emprunt) ne sont que quelques exemples de la réalité vécue par les employées de maison à Genève. Crainte, instabilité, exploitation sont leur quotidien.
À l’occasion de la journée internationale des employé-e-s domestiques, les militantes employées de maison du SIT demandent l’application de la C189 dans les faits. Après la dure période de pandémie péniblement traversée par la plupart des employé-e-s domestiques, leur accorder un salaire juste, un permis de séjour et des conditions de travail sécurisantes, serait le minimum pour se rapprocher de la définition du travail décent. En menant des campagnes d’information régulières destinées aux employeurs pour leur rappeler leurs obligations, les autorités afficheraient leur volonté de lutter contre les abus. En contrôlant leur respect, elles concrétiseraient cette volonté.